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ment national ; mais la presse patriotique s’y associa unanimement en Grèce, hors de la Grèce, partout, où la race grecque compte des représentans et des organes. L’Indépendance hellénique d’Athènes, rédigée en français, défendit naturellement la même cause que l’Étoile. À Bucharest, l’Iris, à Constantinople, le Nouvelliste, adversaire habituel du panslavisme, embrassèrent chaudement la cause de la France. À Trieste, la Clio, plus calme, mais connue par son impartialité et respectée de tous comme le journal le plus influent du monde grec, se prononça en notre faveur. On remarqua dans la même ville les tendances germaniques du Jour. On s’en étonna d’autant plus que cette feuille reçoit les inspirations de M. Rizo Rangabé ; on ne s’attendait guère à rencontrer au premier rang des adversaires de la France un des hommes que la France a le mieux accueillis. Presque seul parmi ses compatriotes, le même personnage donna l’exemple étrange d’envoyer ses deux fils servir contre nous dans l’armée prussienne.

Les sympathies générales de toutes les classes et de toutes les parties du monde hellénique devaient largement nous dédommager. Nos défenseurs se recrutèrent en effet dans les rangs les plus divers de la société grecque. Officiers et soldats de l’armée régulière, accourus malgré leur serment professionnel et la menace d’un conseil de guerre, fils des vieux palikares qui avaient combattu pour l’indépendance, avocats, séminaristes, professeurs, étudians, habitans de Smyrne et de Constantinople, Epirotes et Thessaliens, enfans de la Grèce libre ou de la Grèce encore asservie, un même sentiment de patriotique reconnaissance, un même élan de généreux enthousiasme les poussait sous le drapeau français. Les jeunes gens de l’université d’Athènes, entraînés par les nobles passions de leur âge, enflammés par les paroles de M. Gennadios et par les articles de l’Étoile, se faisaient en grand nombre les missionnaires de cette croisade improvisée. Pendant que les plus pauvres vendaient leurs livres pour s’embarquer à leurs propres frais, les plus riches et les plus influens parcouraient les provinces pour soulever l’opinion en faveur de la France. En Messénie, le jeune Théophilopoulos réunissait dans une église les habitans de sa ville natale, et leur rappelait tous les services que les Français avaient rendus aux Messéniens pendant l’expédition de Morée. À Sparte, un avocat du groupe de la jeune Grèce, Anastase Zervéas, montait sur une ruine et parlait de la France aux Spartiates en face du château de Mistra, bâti par les Francs. Ailleurs, c’étaient les hommes les plus respectés et les plus populaires, les chefs des palikares, qui dirigeaient le mouvement et recrutaient les volontaires. À Lépante, dernier asile des familles souliotes, où vivent encore les