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qui nuiraient au développement de notre marine marchande. « La navigation à vapeur, a dit la chambre du Havre, tend à remplacer la navigation à voiles. Or une des ressources de la navigation à vapeur, quand elle est à l’étranger, est d’aller dans deux ou trois ports voisins les uns des autres, et de prendre dans tous ces ports du fret non-seulement pour les ports de France, mais encore pour des ports étrangers, par exemple pour Buenos-Ayres et Rio-Janeiro, pour Anvers et Liverpool, en même temps que pour Bordeaux et Le Havre. Elle a une autre ressource, comme au reste les voiliers sans emploi : elle peut faire un voyage intermédiaire avant de rentrer en France, portant sa marchandise d’un port étranger à un autre port étranger, de Buenos-Ayres à New-York par exemple, de Rio-Janeiro à la Nouvelle-Orléans, de Montevideo à Maurice ou au Chili ; puis retour en France. » Toutes ces opérations seront interdites à notre marine par les surtaxes que les gouvernemens imposeront à notre pavillon, surtaxes dont l’effet sera de protéger les navires portant les pavillons étrangers.

L’augmentation des droits sur les cafés et les sucres ne donne pas prise aux mêmes objections que les droits sur les matières premières. Ce sont des denrées destinées à la consommation, et, comme nos habitudes ont fait de ces objets de luxe des objets dont nous ne pouvons nous priver que difficilement, les impôts dont on les frappe sont très productifs. Les sucres seraient surtaxés de trois dixièmes, ce qui portera le droit à 54 francs 60 centimes par 100 kilogr., ou 16 fr. d’augmentation, soit 16 centimes par kilogramme ou environ 8 centimes par livre. Les cafés, dont la taxe avait déjà été portée en 1866 de 50 à 100 fr. par 100 kilogrammes, payeraient 150 fr., soit une augmentation de 25 cent, par livre. Si on les compare aux rigueurs de notre situation, ces modifications paraîtront modérées, et le projet sur ce point mérite d’autant mieux d’être approuvé qu’au moyen de ces augmentations le trésor recevra 53 millions, à peu près le cinquième de la somme (263 millions) que le ministre des finances attend du remaniement des douanes. Le droit sera cependant trouvé rigoureux relativement aux chicorées, car elles entrent pour des quantités considérables dans la consommation des ouvriers, et nous savons que déjà la nouvelle du projet a causé dans le département du Nord une émotion qui n’a pas été étrangère au revirement politique qui, dans cette contrée, a signalé les dernières élections.

Nous convenons qu’il est fort aisé de trouver des objections et très difficile de découvrir des solutions; mais le public que nous représentons ici a le droit de critique et de réclamation. Nous ne terminerons pas cependant sans rendre au projet du gouvernement