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sur les cartes à jouer. Par le doublement des taxes anciennes, on prélèvera environ 1,500,000 francs sur nos plaisirs, et nous conseillerions même de prendre davantage sur cette matière imposable, si l’élévation du droit ne devait pas avoir pour effet d’arrêter le développement de la consommation.


IV.

Laissons ces réformes secondaires et abordons la partie importante du projet. C’est la matière des douanes qui mérite surtout d’attirer notre attention, parce que les réformes que propose le gouvernement sont telles que nos relations commerciales avec l’étranger en seraient bouleversées. C’est un revirement qui non-seulement emporterait les traités de 1860, mais qui étonnerait même les partisans du système protecteur, car les innovations proposées s’éloignent des principes admis par cette école depuis Colbert, ou plutôt depuis Henri IV. En effet, les opinions qui sont généralement attribuées au ministre de Louis XIV avaient été avant lui exprimées au XVIe siècle par Barthélémy Laffemas, et formulées par René de Biragues, rédacteur d’un édit de 1578. La règle que les fondateurs du système protecteur regardaient comme incontestable consistait à épargner les matières premières employées par nos manufactures, et à imposer les produits fabriqués au dehors et importés en France. C’était une manière de favoriser doublement l’industrie, soit en évitant le renchérissement de la fabrication, soit en défendant nos produits fabriqués contre la concurrence étrangère. Il y avait là une protection efficace et un système cohérent.

M. Pouyer-Quertier, qui cependant appartient à l’école de Colbert, a l’intention de changer ce qui a été admis par ses maîtres et de taxer à 20 pour 100 ad valorem les matières textiles, cotons en masse, laines en suin ou lavées, lins, chanvres, soies grèges, à peu près tout ce qui est mis en œuvre par nos filatures et nos fabriques de tissage. Chose digne de remarque, les produits fabriqués à l’étranger sont épargnés par les nouveaux tarifs. On pourrait croire que M. Pouyer-Quertier est converti au libre échange, puisque, à l’inverse de Colbert, il semble disposé à ouvrir nos portes aux produits ouvrés. Qu’on se détrompe : il y a dans son projet la doctrine apparente et la doctrine cachée; cette dernière se trouve dans deux articles qui méritent d’être mis en relief, bien que les rédacteurs du projet les aient relégués à une place modeste. C’est dans les articles 20 et 21 que se trouve la véritable pensée du gouverne-