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Un autre article du projet a pour but de combattre les fraudes auxquelles a donné lieu l’ouverture de crédit. D’après une jurisprudence qui a prévalu, l’acte où est constituée l’hypothèque qui garantit l’opération n’est pas taxé au droit proportionnel d’obligation (1 pour 100); ce droit n’est exigible qu’à la réalisation, c’est-à-dire au moment où le créditeur verse les sommes entre les mains du crédité. Or presque dans tous les cas il est impossible de prouver ces versemens, car le prêteur se contente de simples billets non enregistrés parce que l’ensemble de l’opération est garanti par une hypothèque. Partant de cette idée qu’ordinairement les crédits sont réalisés jusqu’à concurrence de moitié, le ministre propose de percevoir 50 cent, pour 100 au moment de l’acte, sauf à exiger le surplus, si la réalisation est plus tard prouvée. La première partie du droit proportionnel serait d’ailleurs définitivement acquise, alors même que le crédit ne serait pas utilisé, car c’est un principe en cette matière que les droits légalement perçus ne sont pas restituables.

Nous ne trouvons pas dans le projet une innovation qui, en 1869, avait été proposée au conseil d’état. Il s’agissait de substituer, pour l’assiette des droits de mutation par décès, la valeur vénale à la valeur capitalisée d’après le revenu multiplié vingt fois. Au premier abord, on ne s’explique pas cette différence entre la vente et la succession. Pourquoi dans un cas perçoit-on sur la valeur vénale, tandis que dans l’autre on prend le revenu multiplié par vingt, différence considérable qui diminue de moitié le produit du droit sur les transmissions par décès? Si on adoptait la valeur vénale dans les deux cas, le droit de succession serait doublé dans les campagnes et un peu diminué dans les villes, où les maisons rapportent plus de 5 pour 100. Il est facile de comprendre que le gouvernement ait reculé devant une disposition qui aurait pour conséquence de faire peser sur les biens ruraux une charge exorbitante et de dégrever les propriétés les plus productives. Les héritiers ou légataires d’ailleurs doivent les droits sur l’actif brut de la succession, sans déduction des dettes, ou, pour employer le mot technique, sans distraction des charges. L’acheteur au contraire ne paie que sur le prix net, ce qui explique suffisamment pourquoi le tarif est plus élevé quand il s’agit d’une vente qu’en matière de succession.

Le projet de budget ménage le commerce en même temps que les propriétaires fonciers. On n’y voit point figurer en effet d’augmentation sur le timbre proportionnel des effets de commerce. L’administration cependant aurait trouvé là une ressource considérable et dont la charge serait peu sensible, car le tarif en vigueur n’est pas élevé, et on pourrait, selon nous, le doubler sans que la