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C’est d’ailleurs une imitation de ce qui a été décidé par une jurisprudence aujourd’hui bien fixée sur la cession des offices. Comme la dissimulation du prix des charges transmissibles a pour conséquence de soustraire les traités à l’examen de la chancellerie, les tribunaux y voient une entreprise contraire à l’ordre public. Aussi le vendeur est-il non-seulement privé d’action pour les sommes non déclarées, mais exposé à la répétition de ce qu’il a indûment reçu. Si on n’avait pas assuré le contrôle par ce moyen énergique, les officiers ministériels auraient continué à payer ces prix exorbitans qui trop souvent ont été le prélude et la cause de chutes désastreuses. Un motif d’ordre public justifie la disposition qui accorde la répétition à l’acquéreur, bien que celui-ci soit peu digne d’intérêt lorsqu’il profite de la rigueur du droit pour ne pas tenir sa parole. Un intérêt fiscal est-il suffisant pour étendre des dispositions qui sont une véritable récompense de la mauvaise foi? Quelques voix dans la commission du budget se sont élevées contre cette innovation, la traitant d’immorale, et demandant qu’on n’introduisît pas dans nos lois cette semence de corruption. Suivant nous, la mesure sera tellement efficace que les effets démoralisateurs n’en sont pas à redouter. Le vendeur ne s’exposera point à l’action en répétition, parce que, n’étant pas chargé de payer les droits de vente, il n’aura pas d’intérêt à se faire le complice de l’acheteur contre le trésor. Si la disposition proposée est, comme on le lui reproche, entachée d’immoralité, le remède est dans l’efficacité de la répression, parce qu’elle est tellement sévère qu’il n’y aura jamais lieu à l’appliquer. Le vendeur serait d’ailleurs mal fondé à se plaindre, parce qu’il lui est facile d’éviter le recours en exigeant la déclaration de tout le prix. Ce qu’on pourrait avec plus de fondement reprocher à cette disposition, c’est d’être excessive, car peut-être aurait-il suffi, pour prévenir tout concert frauduleux entre les parties contractantes, de les condamner toutes deux à une forte amende. Cette appréhension suffirait probablement pour empêcher le vendeur de concourir à une dissimulation où il n’a aucun intérêt. Le ministre a sans doute craint que les parties ne s’entendissent pour se partager le bénéfice de la fraude, et que cet appât n’enlevât à la sanction par les amendes et le double droit une grande part d’efficacité. Quoi qu’il en soit, le gouvernement espère que de ce côté, sans augmentation des tarifs et par l’effet de la sincère application de la loi sur l’enregistrement, nous obtiendrons environ 16 millions. Dans ce total est compris le produit de l’enregistrement des baux. Ce droit, qui n’est exigible actuellement que sur les baux écrits, serait, d’après le projet de loi, dû pour les baux, même verbaux, toutes les fois que par des mentions dans les actes ou par l’inscription au rôle des contributions directes l’administration en prouverait l’existence.