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que le moment était venu où les hommes qui avaient réfléchi mûrement sur ces difficiles problèmes de la politique pouvaient utilement communiquer au public les résultats de leurs longs travaux?

Contraste piquant : de ces deux écrivains, c’est le haut dignitaire de l’empire qui a le plus de confiance dans l’avenir de la démocratie, et l’économiste libéral qui en a le moins. « Suivant moi, dit M. de Parieu, l’effet particulier de la démocratie pure peut et doit être dans les états civilisés le plus grand développement de la liberté et de l’égalité à la fois. La démocratie vraie favorise ces deux principes d’une manière simultanée, et réciproquement en la développant on fortifie la démocratie. » — « N’oublions pas, ajoute ailleurs l’ancien vice-président du conseil d’état, que, si le nom des césars rappelle un grand développement de pouvoir sans stabilité, il rappelle aussi la corruption réciproque des gouvernans et des gouvernés, une décadence enfin dont le christianisme doit aujourd’hui préserver le monde. » Il y avait sans doute quelque mérite à émettre semblable jugement devant celui qui venait d’écrire le panégyrique de César.

M. H. Passy s’attache à examiner deux questions principales qui dominent les autres. D’abord d’où proviennent les différences que l’on rencontre dans les formes de gouvernement des diverses nations, et ces différences vont-elles disparaître? Secondement les sociétés modernes finiront-elles, comme on le croit généralement, par se constituer en républiques? Ce n’est pas à des considérations théoriques que M. Passy demande la réponse à ces questions, c’est à l’étude des faits historiques. Sous ce rapport, son ouvrage surpasse, je crois, tout ce qui a été publié jusqu’à ce jour, comme application de l’histoire à l’examen des problèmes politiques. Montesquieu aussi s’est appuyé sur l’histoire, mais trop souvent à l’appui d’un principe juste il cite un fait douteux de l’antiquité ou une anecdote absurde racontée par un voyageur ignorant. On admire d’autant plus le génie de ce grand homme, qui a su tirer des vérités lumineuses d’aussi pitoyables élémens; mais ce qui convainc, c’est la raison de l’écrivain et non l’autorité des faits qu’il invoque. La plupart du temps, le seul raisonnement aurait apporté plus de lumières. Les ouvrages allemands sur la science politique sont nombreux, parce que c’est une des branches de l’enseignement supérieur, et beaucoup de professeurs ont publié des traités complets sur l’Allgemeines Staatsrecht[1]. La partie historique y est exposée

  1. Les volumineux ouvrages de MM. Mehl, Bluntschi et Lorenz-Sten, professeur à l’université de Vienne, méritent surtout d’attirer l’attention. — Ayant resté dans l’Allemagne méridionale et en Suisse, où le régime représentatif était en vigueur, ils ont pu en étudier le mécanisme.