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LES


FUSILIERS-MARINS


AU SIÈGE DE PARIS
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I.


On se rappelle la stupeur de Paris quand s’y répandit tout à coup la nouvelle des deux défaites de Forbach et de Reischofen. C’était un dimanche, l’atmosphère était lourde, orageuse, chargée d’épaisses vapeurs. Je me trouvais avec deux ou trois de mes camarades de l’École normale ; nous parlâmes de nous engager. Sans être bien perspicace, on pouvait déjà prévoir que notre armée active n’était pas de force à soutenir la lutte, et les raisons mêmes qui avaient amené : la défaite du maréchal de Mac-Mahon, le nombre des Allemands, leur discipline, leur savante organisation, disaient assez qu’avant peu la France aurait besoin de tous ses enfans. Par cela même qu’une loi spéciale nous exemptait de tout service militaire, nous nous devions de donner des premiers l’exemple du patriotisme. D’ailleurs un décret du ministre de l’instruction publique vint bientôt renvoyer à des jours plus heureux nos examens d’agrégation. Dès lors, débarrassés de toute préoccupation universitaire, nous pouvions librement disposer de notre temps et de nos volontés. Deux jours après, une vingtaine d’entre nous avaient signé leur engagement, soit dans la ligne, soit dans la mobile, soit dans les chasseurs de Vincennes, et la semaine n’était pas écoulée qu’ils étaient habillés, équipés, armés et installés dans les casernes pour être dirigés sur le camp de Châlons.