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La
fin de la bohème

LES INFLUENCES LITTÉRAIRES DANS LES DERNIERS ÉVÉNEMENS.


Nous venons d’échapper à la barbarie ; mais ce qu’il faut bien qu’on sache, c’est que, dans ce furieux assaut contre la civilisation, nous avons eu affaire à une barbarie lettrée. À la tête de cette armée sinistre marchaient des écrivains qui n’étaient pas tous sans talent, de beaux esprits même dont quelques-uns avaient eu des succès de vogue, dont plusieurs pouvaient espérer une heure encore de célébrité sur l’asphalte des boulevards. Voilà ce qui a été le trait singulier des derniers événemens. Jusqu’alors, les bataillons de l’émeute ne se recrutaient guère que dans la population ouvrière, sous le commandement des généraux ordinaires de barricades comme Barbes ou des conspirateurs émérites tels que Blanqui. Cette fois à la tête de ce gouvernement de parodie nous avons vu paraître une foule de noms appartenant par leurs origines au monde civilisé, aux lettres, aux sciences, aux écoles. C’est tout un état-major spécial et nouveau de l’insurrection qui a défilé devant nous comme dans une parade de Franconi, enrubanné, empanaché, cavalcadant sous le reflet du drapeau rouge. On a dressé la statistique des carrières libérales qui ont fourni leur contingent à la commune de Paris. La médecine et l’enseignement libre s’y rencontrent avec la peinture à côté des professions inavouables, qui abondent ; mais ce qui domine, il faut bien à dire, c’est l’homme de lettres : il se multiplie dans le sein de la commune ou aux alentours. Le journalisme, le pamphlet, le roman même, se coudoient dans cette troupe qui a donné pendant