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taxes ou de surtaxes sur l’enregistrement et le timbre, sur les boissons, sur les sucres et le café, sur les cartes à jouer, sur les allumettes, et enfin par un droit d’entrée de 20 pour 100 sur les matières premières, notamment sur les matières textiles. Le trait distinctif du système de M. Pouyer-Quertier, on le voit suffisamment, c’est le droit sur les matières premières, c’est-à-dire en d’autres termes un retour au régime de la protection commerciale. Si c’est absolument nécessaire, si on ne trouve rien de mieux, il faudra bien se résigner ; mais c’est là précisément ce qu’il s’agit de savoir, si on ne peut trouver rien de mieux, si le système de M. Pouyer-Quertier est aussi efficace qu’il le croit, d’autant plus que la perception du droit nouveau sur les matières premières doit être nécessairement différée jusqu’à ce que des négociations aient pu permettre d’établir sur les produits étrangers des surtaxes équivalentes à la somme des droits nouveaux qui grèveront nos produits manufacturés. C’est le rapport même de M. Pouyer-Quertier qui le dit. Quoi qu’il en soit, voilà la lutte engagée sur le terrain économique. Pour tous, le but est le même : il s’agit du rétablissement définitif de notre crédit par l’équilibre de nos budgets, et dans leurs discussions les plus vives, dans leurs recherches comme dans leurs transactions, les pouvoirs publics, l’assemblée, le gouvernement, ne peuvent oublier qu’avec la réorganisation militaire, avec l’instruction publique, les finances sont un des moyens les plus efficaces pour rendre au pays l’indépendance de son action. Qu’on fasse de la bonne politique, qu’on ouvre la carrière au génie productif du pays, et la France ne se plaindra pas d’avoir à payer les frais de sa résurrection, elle portera son fardeau, selon le mot de M. Thiers, en nation courageuse et laborieuse.

Oui, il faut faire de la bonne politique, cela est bien certain, c’est une vieille vérité toujours nouvelle ; mais pour cela l’assemblée et le gouvernement ne suffisent pas encore. Il faut que le pays lui-même se pénètre du sentiment des nécessités nouvelles qui s’imposent à lui ; s’il veut de la sécurité, il faut qu’il aide à la créer et qu’il sache la garantir, et, puisqu’il est investi du plus large droit de suffrage, il faut bien qu’il se dise que de l’usage qu’il fera de ce droit dépend son avenir. Par malheur, il manque encore en France la première condition de tout état libre, le plus simple sentiment de la loi. Il y a chez tous les hommes un véritable déchaînement de fantaisies individuelles, un besoin effréné de faire ce qu’on n’a pas le droit de faire. Sans ce triste penchant, que de questions seraient naturellement résolues, que de progrès se réaliseraient sans effort, que de fautes souvent désastreuses seraient aussi évitées ! Nous faisions cette réflexion l’autre jour en présence de cette discussion intéressante qui a eu lieu dans l’assemblée au sujet des attributions des conseils-généraux et de la création des com-