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poussait l’attention pour ses futurs collègues jusqu’à vouloir leur présenter une besogne toute faite. Voilà ce qui s’appelle travailler à la stabilité et pratiquer l’art de perdre son temps. L’assemblée, il est vrai, n’a pas paru goûter ces propositions merveilleuses, et elle ferait bien mieux encore d’écarter une bonne fois toutes ces questions ou ces motions irritantes, toutes ces discussions pleines de sous-entendus périlleux et d’arrière-pensées, pour se consacrer uniquement et résolument à cette œuvre de réorganisation publique qui suffirait certes à son zèle et à ses efforts. C’est ainsi qu’à l’heure où nous sommes elle peut agir utilement pour le pays, et qu’elle peut même s’assurer deux ans d’existence, si elle le veut. Elle sera d’autant plus forte sur le terrain national et pratique où elle se sera établie, qu’elle aura écarté d’une main plus ferme tout ce qui peut prolonger, aigrir les divisions en rallumant le conflit des partis.

Le gouvernement lui-même, au surplus, a une grande et directe responsabilité dans le développement de cette politique de transaction qu’il personnifie au pouvoir. Il ne suffit pas qu’il vienne de temps à autre mettre la paix entre les partis en les rappelant tous également au respect de la trêve sur laquelle repose la situation actuelle. C’est là sans doute une victoire qu’il gagne périodiquement, qui est due à l’ascendant légitime du chef du pouvoir exécutif, mais qui resterait à peu près stérile, si le gouvernement n’aidait l’assemblée à pratiquer cette politique en la pratiquant pour son propre compte. Puisqu’il est admis que le moment de l’action sérieuse est venu, qu’on doit s’occuper, non de la république ou de la monarchie, mais de la réorganisation nationale, il y a manifestement trois ou quatre questions essentielles sur lesquelles doivent se concentrer tous les efforts. Ainsi, avant tout, la réorganisation de nos forces militaires est une de ces questions. Ceci ne diminue en aucune façon le mérite de ce qui a été fait depuis trois mois pour reconstituer l’armée qui a remporté la victoire de Paris, et qui hier encore, dans la revue passée au bois de Boulogne, recevait de la population tout entière un accueil digne de son dévoûment et de ses services. M. Thiers, par son infatigable habileté et par sa prévoyance, a rallié et remis en état ces bataillons, ces régimens que des officiers intrépides ont conduits au feu, et dont l’illustre chef, le maréchal de Mac-Mahon, avec une simplicité dont il ne s’est jamais départi, pouvait serrer virilement la main de celui qui l’a aidé à vaincre. Il a fait face merveilleusement à une difficulté de circonstance, et il n’est pas au bout, puisqu’il a encore l’immense obligation de régler tant de situations, dignes d’intérêt, créées par la dernière guerre. Cela fait, il y a toujours la vraie question, celle de la réorganisation définitive de notre armée et des conditions de recrutement de cette armée. Que même aujourd’hui, après tant de dé-