Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 94.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les événemens de cette dernière année un jour aussi étrange qu’instructif, si on en juge par les premières découvertes signalées par l’éloquence indignée de M. le duc d’Audiffret-Pasquier en pleine tribune. Tant que l’assemblée se livre à cette investigation sévère, elle ne fait point incontestablement un travail inutile ; au nom de la souveraineté nationale qu’elle représente, elle fait œuvre de moralité publique, elle prépare des documens qui serviront à éclaircir bien des mystères.

Le malheur de cette assemblée, c’est qu’on peut dire d’elle ce qu’on dit du pays : il y a une multitude de bons élémens et peu de cohésion, beaucoup de bonnes volontés dispersées et un esprit politique sujet à de singulières intermittences. Cette chambre de Versailles se sent partagée, elle n’est pas sûre d’elle-même, voilà la vérité, et elle se laisse aller à l’entraînement des impressions et des incidens. Il y a surtout un point où certaines fractions de la chambre perdent tout à fait leur sang-froid, c’est lorsqu’il s’agit du 4 septembre et de la république. Le 4 septembre, il appartient à l’histoire, à cette enquête qui se poursuit, et le discours parfaitement habile, quoiqu’un peu étendu et un peu personnel, récemment prononcé par le général Trochu, sera une page à consulter sur cette dernière journée de l’empire, aussi bien que sur le siège de Paris. Quant aux conséquences politiques du 4 septembre, quant à l’avenir indéterminé en face duquel la révolution de 1870 a laissé le pays, ce serait tout au moins une marque de prudence de ne point y revenir sans cesse, puisque, par un pacte renouvelé plus d’une fois, il a été convenu qu’on ne devait pas s’en occuper pour le moment, que tout demeurait réservé. Pourquoi dès lors raviver perpétuellement des questions qui ne font que diviser les esprits et provoquer l’assemblée à rompre une trêve devenue une garantie de paix publique ? Mais non, ce n’est point l’affaire de M. Baze, ni de M. Dahirel, deux terribles Jupiters de la politique. M. Baze éprouve le besoin de sortir de son repos solennel de questeur, et de marquer son importance en proposant à l’assemblée de déclarer qu’elle ne se séparera pas avant d’avoir voté une multitude de choses, qu’elle durera au moins deux ans. Il reste à savoir si M. Baze prétend enlever à l’assemblée le droit de se dissoudre elle-même avant deux ans au cas où elle le jugerait convenable ; s’il n’enlève pas ce droit aux représentans, cela revient à dire que l’assemblée peut ne pas se dissoudre, mais qu’elle peut aussi se dissoudre, ce qui éclaircit tout à fait la situation, et lui donne manifestement un caractère particulier de stabilité ! Quant à M. Dahirel, le cas était plus grave. M. Dahirel demandait tout simplement qu’on nommât à jour fixe une commission qui serait chargée d’élucider au plus vite la question du gouvernement définitif de la France. La chose était même si pressée, qu’il n’y avait pas moyen d’attendre les élections du 2 juillet pour nommer la commission. M. Dahirel