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lait et Wilhems n’ont pas exposé; mais de nouveaux artistes viennent combler les lacunes laissées par les absens. Ainsi M. Wauters, un très jeune homme, s’annonce comme un peintre d’histoire nourri d’études sérieuses et plein d’originalité. M. Portaëls n’en est pas à ses débuts, mais les Bohémiennes qu’il a envoyées sont peut-être son chef-d’œuvre. Ce n’est pourtant point vers la grande peinture que les artistes belges sont entraînés aujourd’hui, et le genre qui prévaut est plutôt une sorte de réalisme élégant qui fuit les vulgarités de la rue, et s’attache à traduire les habitudes de la classe aisée. MM. A. Stevens et Baugniet sont les représentans les plus fins et les plus délicats de ce genre de peinture, si généralement goûté. Les scènes de la vie champêtre sont un peu abandonnées; mais elles ont encore un brillant interprète dans M. Dillens, qui rend les tableaux rustiques de la Zélande et ses étranges costumes avec un esprit et une gaîté charmante. Les chiens de M. J. Stevens, les vaches de Mme Collard, les moutons dans la neige de M. Verlat sont également des ouvrages qui font le plus grand honneur à la peinture belge, et qui ont déjà obtenu en France le plus légitime succès.


II.

Au moment où l’exposition allait être ouverte au public, Paris était au pouvoir de l’insurrection, et les commissaires français, ne recevant pas les caisses de nos exposans, avaient tout lieu de craindre que leurs salles ne fussent absolument vides pour le jour de l’inauguration. Pour éviter l’effet déplorable que n’eût pas manqué de produire l’absence d’ouvrages français, M. Du Sommerard eut l’heureuse idée de s’adresser aux principaux amateurs anglais pour leur emprunter ce qu’ils pouvaient avoir de tableaux ou d’objets d’art appartenant à l’école française. Ils ont répondu à cet appel avec un louable empressement, dont M. Gladstone a donné l’exemple. Un point important était déjà gagné : nos murs ne seraient pas vides. Des tableaux de Greuze, David, Delaroche, quelques toiles des peintres français qui ont maintenant du succès en Angleterre, arrivèrent de plusieurs côtés. Un marchand de tableaux qui possède à Londres une maison importante, M. Durand Ruel, envoya des œuvres remarquables de nos artistes contemporains.

Ce premier essai d’exposition présentait une tournure assurément très respectable ; mais il aurait eu pour l’étranger l’inconvénient très grave de montrer beaucoup de tableaux déjà anciens, portant le nom d’artistes morts, et de ne pas offrir en assez grande quantité des ouvrages dont l’exécution tout à fait récente fût de