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cependant il est impossible de passer sous silence un peintre dont les œuvres ont été popularisées en France par la gravure, et qui occupe une place à part dans l’art européen, M. Ed. Landseer. Tout le monde connaît ses chiens dont la physionomie exprime des sentimens humains, ses cerfs qui brament au bord des marais, ses chevreuils qui courent dans les rochers, ses chevaux si fiers montés par de nobles châtelaines. La facture maigre et épinglée de ses tableaux déroute quelquefois ceux qui ne les connaissaient que par la gravure. Il y reste toujours pourtant un incontestable mérite d’invention et de tournure ; seulement l’élégance est son domaine à peu près exclusif, et malheureusement le sujet qu’il a choisi cette année. Van Amburg dam la cage de ses bêtes féroces, aurait exigé des qualités que ne comporte pas le tempérament de l’artiste. Le tigre royal, le lion, la panthère, sont peints avec une touche délicatement caressée et dans un ton vitreux et transparent qui les fait paraître en verre. Évidemment, si le dompteur leur donnait un coup de sa baguette, il risquerait fort de les casser.

L’Angleterre avait autrefois une excellente école de paysagistes, et des artistes dont nous sommes fiers leur ont beaucoup emprunté, notamment à Constable. Aujourd’hui les paysagistes anglais ont une crudité dans les teintes et une sécheresse dans les formes qui viennent chagriner l’œil d’une manière désagréable, et, à part les Vues de montagnes de M. P. Graham et les Intérieurs de ville de M. Roberts, il y a bien peu de tableaux qui méritent d’être cités. La grande peinture, avons-nous dit, n’existe pas en Angleterre ; il faut néanmoins faire exception pour une très bonne figure de femme grecque que M. Leighton intitule Électre au tombeau d’Agamemnon, et pour Macrcady dans le Werner de Byron, par M. Maclise, tableau d’un ton terreux et lourd, mais bien composé et savamment dessiné. Dans les portraits, nous signalerons seulement celui de trois jeunes filles, par M. Millais, ouvrage tout à fait hors ligne dans l’école anglaise contemporaine, et où l’on regrette seulement l’inconcevable négligence avec laquelle les mains sont traitées.

La peinture à l’eau occupe une place très importante dans l’exposition britannique, et de l’autre côté du détroit elle est considérée comme une manifestation particulière de l’art national. L’aquarelle est enseignée dans les écoles avant la peinture à l’huile, et, si les Anglais reconnaissent quelquefois que les tableaux des autres pays peuvent lutter avec les leurs, ils ajoutent aussitôt que, pour la peinture à l’eau, ils n’ont de rivaux nulle part. Nous ne contesterons aucunement la très grande habileté de leurs artistes dans la pratique de l’aquarelle ; mais, ne voyant là un procédé qui ne