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struire à ses frais une annexe qui fait partie du bâtiment principal, et qui est destinée comme lui à une exposition permanente. Cette annexe comprend plusieurs galeries importantes, où nos exposans se trouvent chez eux, classent leurs produits eux-mêmes, et ne relèvent que de la commission française.

L’ensemble des bâtimens forme un vaste parallélogramme, dont les portiques entourent les jardins de la Société royale d’horticulture, situés tout près du parc de Kensington. La galerie qui se trouve en entrant à gauche est tout entière occupée par les ouvrages anglais; celle de l’autre côté est consacrée aux produits des nations étrangères, et se trouve reliée à l’annexe française, qui est placée tout à fait à droite. L’Angleterre étant ici chez elle, il convient de commencer par une visite à sa galerie notre promenade à travers l’exposition.


I.

L’école anglaise est complètement isolée en Europe, et ne procède que d’elle-même. Holbein et Van Dick, malgré leur séjour prolongé en Angleterre, n’ont formé dans ce pays aucun artiste capable de perpétuer leurs doctrines, et Hogarth est considéré à juste titre comme le père de la peinture anglaise. C’est du moins le premier qui soit véritablement anglais par la tournure de son esprit et de son talent. Reynolds, Gainsborough, Lawrence, David Vilkie, Turner, Constable, ont montré après lui une autre face du génie national; mais hors de l’Angleterre ces artistes ne sont guère connus que de nom, et leurs œuvres, comme celles des peintres qui sont aujourd’hui en réputation, semblent incrustées dans le pays. Les Anglais sont le peuple qui achète le plus de tableaux des anciennes écoles ; mais parmi les maîtres contemporains ils semblent n’apprécier absolument que leurs artistes nationaux, qui écoulent leurs produits dans la mère-patrie, et gardent leur manière de voir avec un soin jaloux, dédaignant d’échanger leurs idées contre celles qui ont cours sur le continent. Il en résulte que l’étranger qui débarque en Angleterre éprouve toujours un certain étonnement en se trouvant en face des tableaux anglais.

La peinture monumentale n’existe pas en Angleterre. Le culte protestant n’admettant pas la peinture dans les églises, les tendances vers le grand style religieux sont incapables d’y prendre un développement quelconque. Ajoutez à cela que le puritanisme anglican s’accommoderait assez mal de sujets empruntés à la mythologie, et que les traditions classiques, en art comme en littérature, n’ont jamais réussi à s’acclimater dans un pays aussi jaloux de sa per-