Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 94.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’EXPOSITION INTERNATIONALE
DE LONDRES

Une grande exposition internationale a été inaugurée à Londres le 1er mai 1871. Tandis que l’Europe, attentive au bruit du canon, suivait d’un œil inquiet la marche des opérations militaires, un appel fait aux producteurs de tous les pays du monde conviait l’armée du travail à une lutte moins bruyante, mais plus décisive peut-être pour l’avenir des nations. Dans ces combats pacifiques de l’art et de l’industrie, ce n’est plus la discipline qui assure le succès, c’est l’initiative individuelle; ce n’est plus la force matérielle des peuples qui est en jeu, c’est leur force productrice, et les promesses que donne la victoire ne reposent plus sur les chances éphémères d’un traité : elles ont pour gage la source vivifiante de toute richesse, l’intelligence dans le travail.

Les événemens qui viennent de s’accomplir en Europe ont tellement absorbé l’activité publique, ils ont apporté dans les fortunes privées une telle perturbation, qu’on avait pu croire un moment à l’abstention des nations belligérantes, ce qui aurait ôté à l’exposition toute sa signification internationale. On devait craindre surtout que la France, préoccupée de ses récens désastres et tout entière aux difficultés de sa réorganisation intérieure, ne fût pas en mesure d’être représentée. Elle l’a été pourtant malgré quelques retards, et le triomphe éclatant dont nous avons été témoins peut être regardé comme un des faits les plus imprévus de cette époque si féconde en événemens extraordinaires. Il faut dire que, si la situation politique rendait notre position très défavorable vis-à-vis des autres nations, cet inconvénient était racheté par la nature toute spéciale de l’exposition, où la grande fabrication n’a pas été appelée, et qui