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sous d’un niveau déterminé peuvent être justement comparés aux espèces qui remontent jusqu’au voisinage des neiges permanentes;, mais dans ce rapprochement il faut aussi tenir compte de différences qui sont trop marquées pour n’en pas altérer l’exactitude. Si le froid des hautes cimes arrête à la fin les animaux et les plantes, le froid du fond des mers est toujours assez modéré pour ne constituer qu’un obstacle relatif; les effets de la pression et de la rareté des gaz qui servent à la respiration n’ont rien d’insurmontable pour les animaux inférieurs, tandis que le défaut absolu de lumière affecte seulement l’un des deux règnes. De là des conséquences qui altèrent la vérité du parallèle qu’il serait si naturel d’établir entre les zones alpines et celles de la mer.

Quoi qu’il en soit, lorsque l’on quitte la plage pour s’enfoncer peu à peu dans l’océan, on observe effectivement plusieurs zones caractérisées chacune par des êtres spéciaux. Immédiatement après la zone littorale, que la marée occupe et délaisse tour à tour, vient celle des plantes marines, que peuplent également des algues, des poissons, des crustacés, des mollusques. La zone suivante, celle des corallines, aussi riche en animaux, comprend déjà moins de plantes; elle descend jusqu’à 50 mètres. Au-dessous d’elle s’étend jusqu’à 200 mètres une quatrième zone, celle des coraux des mers profondes.

Déjà rares à 50 mètres, les algues se montrent encore exceptionnellement au-dessous de ce niveau. Une algue richement colorée en vert (Udotea vitifolia) a été retirée aux Canaries d’un fond de 75 mètres p.ir M. Bory de Saint-Vincent, et d’autres espèces plus ou moins brillantes ont été recueillies par MM. Pérou et Maugé à 170 mètres. Le varec turbiné (Sargassum turbinatum) existerait même, d’après M. Bory, jusqu’à 225 mètres; il est difficile que des algues puissent se maintenir au-dessous de cette limite. Ces plantes, sous le rapport de la couleur dont elles sont revêtues, se partagent en trois groupes : celles qui sont rouges, teintées de rose ou violacées, vivent dans des eaux transparentes, à portée de la lumière, — les vertes flottent encore plus près de la surface, — les brunes, les olivâtres et les noires s’enfoncent davantage au sein de l’abîme; mais aucune algue, selon le témoignage de M. Wallich, ne s’avance au-delà de 300 à 350 mètres. Les seules diatomées, qui sont à peine: des végétaux, accumulent jusqu’à 700, peut-être jusqu’à 900 mètres, leurs enveloppes siliceuses; mais nous touchons par elles aux protophytes, c’est-à-dire à des organismes ambigus dont la véritable nature ne sera peut-être jamais fixée, tant leur structure simple les rapproche des derniers termes de la série animale. D’ailleurs il est même douteux que les diatomées puissent vivre à de