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qui s’attiédiraient parmi les froides iraient immédiatement rejoindre les premières. L’ensemble seul pourrait être réchauffé à la longue et de proche en proche ; mais il faudrait pour cela que la source d’où provient la masse froide cessât d’être alimentée, ou ne le fût que d’une façon insuffisante. Or, loin d’en être ainsi, les influences équatoriale et polaire se balancent, si la dernière ne l’emporte pas.

D’un grand nombre de sondages exécutés par le Porcupine dans trente-sept stations différentes et sur des points très divers de l’Atlantique, depuis le 47° degré latitude jusqu’au 55°, comprenant un total de quatre-vingt-quatre observations, il résulte en effet que la température, à partir de la couche immédiatement inférieure à la surface, s’abaisse régulièrement sans cesser de décroître jusqu’aux profondeurs les plus grandes que l’on ait pu atteindre. Vers 500 brasses (900 mètres), le thermomètre marque une température à peu près uniforme de 8° c. (47° F.); à 750 brasses (1,350 mètres), il descend à 5° c. (42° F.); à 1,000 brasses (1,800 mètres), il arrive à 3°, 3 c. (38° F.); à 2,000 brasses enfin, la température du fond se trouve réduite à 2°, 2 c, c’est-à-dire qu’elle excède de très peu le point de congélation. D’autres sondages, entre autres ceux qui ont été récemment exécutés par le commandant Schimmo et le lieutenant Johnson dans le même Océan-Atlantique, révèlent des faits absolument semblables, et amènent en définitive à conclure que toute la partie profonde de cet océan est occupée par une masse à peu près glacée.

Cette masse est certainement entretenue par les courans polaires; mais, si l’on en considère la puissance et surtout l’immense extension en superficie, il est permis de se demander avec M. W. Carpenter si l’Océan-Arctique, fermé comme il est, sauf dans une direction, peut fournir à lui seul une quantité d’eau suffisante pour refroidir tout le fond de l’Atlantique. L’influence combinée des deux pôles paraît ici de la plus grande probabilité en ce qui touche notre hémisphère. Rien ne limite, nous l’avons dit, l’action des eaux antarctiques, qui s’avancent jusqu’à la ligne et dépassent même le tropique du Cancer. Cette action devient visible, si l’on tient compte des sondages de sir J. Ross, dans son expédition aux mers australes, et surtout des opérations du même genre exécutées dernièrement par le vaisseau de la marine britannique l’Hydra dans la mer des Indes, entre Aden et Bombay. La couche froide a été retrouvée au fond de cette mer, et elle accusait absolument la Mme me température que dans le nord de l’Atlantique 2°,5 c. (36°,5 F.), température supérieure de très peu à la glace fondante. Le continent asiatique opposant ici une barrière insurmontable aux courans arctiques, c’est à l’influence seule du pôle austral que l’existence de la couche froide doit être rapportée, et cette influence s’étend sans doute au--