Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 94.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’autres de nos villes françaises tombées sans coup férir dans leurs mains, en une de ces citadelles formidables devant lesquelles nos soldats, luttant poitrine nue contre d’invisibles ennemis, ont vu tant de fois se briser leur audace. En évaluant à 25,000 hommes le corps de Voght-Rheiss, à 15,000 les divisions de renfort qui lui furent envoyées de son quartier-général par le prince Frédéric-Charles, avec une nombreuse artillerie, on voit que 90,000 hommes allaient se heurter sur une ligne de moins de deux lieues d’étendue pour se disputer la possession d’un de nos plus obscurs villages[1].

A huit heures du matin, le canon de la 1re division se fait entendre du côté de Batilly. Le signal de l’attaque générale est donné par la batterie de réserve, en position sur les hauteurs de Saint-Loup-des-Vignes; les bataillons du Haut-Rhin, musique en tête, comme à Fréville, le régiment des Deux-Sèvres, au chant de la Marseillaise, s’élancent sur les pas de leurs colonels (Dumay, Dolfüs, du Haut-Rhin, Rougé, des Deux-Sèvres), et balaient les Prussiens devant eux. Le bataillon de Savoie (commandant Dubois), accueilli par une fusillade terrible sur la lisière des bois qui défendent le village au sud, hésite et recule un moment; mais bientôt il est ramené au feu sous une grêle de balles par le commandant de la brigade, suivi de tout son état-major; les zouaves du brave général Vivenot débouchent sur la gauche; ils abordent l’ennemi avec leur élan d’autrefois, et sur toute la ligne le refoulent vers le village; les positions extérieures sont enlevées. Nos batteries prennent position à 400 mètres sur la hauteur à laquelle aboutit la route de Saint-Loup, et couvrent de leurs obus l’église et les grandes maisons qui l’entourent, mais sans pouvoir entamer leurs fortes murailles. Leurs projectiles, trop faibles, sont également impuissans contre les barricades qui ferment l’entrée de toutes les rues; devant ces barricades, devant les fossés qui les entourent, l’élan vic-

  1. Nous avons pris les évaluations minimum pour rester en-deçà plutôt qu’au-delà de la vérité. D’après les chiffres donnés par les documens divers, on arriverait à un total bien supérieur.
    Du côté des Français, 18e corps 25,000 hommes.
    « « 20e corps 35,000 hommes.
    Francs-tireurs et autres 3,000 hommes.
    Formant un total de 63,000 hommes.
    Du côté des Prussiens, 10e corps (Hanovre). 35,000 hommes.
    Deux, divisions de renfort du 3e corps à 10,000 hommes chacune 20,000 hommes.
    Donnant un total de 55,000 hommes.

    Ce qui porterait à 118,000 hommes le chiffre des combattans de Beaune-la-Rolande.