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éclaircir cet ordre de questions, ce serait une tâche impossible; mais, en racontant simplement les résultats obtenus chez un peuple voisin à la suite de deux expéditions dont le but unique a été d’explorer l’océan, nous montrerons sans peine l’immense portée scientifique d’une pareille entreprise, et la fécondité des premières découvertes nous paraîtra un gage assuré de celles qui suivront inévitablement, si l’on persévère dans la même voie.


I.

Il est généralement admis que le fond de la mer est conformé comme la surface terrestre, qu’il renferme des plaines, des vallées, des montagnes, des lieux unis et plats, d’autres escarpés et accidentés. Cette notion ne saurait être contestée; seulement, pour rester dans le vrai, il convient de tenir compte des différences, qui sont énormes, et font qu’en définitive le sol terrestre et le sol sous-marin se ressemblent fort peu. En effet, l’air est un gaz dont la densité est très faible, la pression à peine sensible, comparée à celle de l’eau. Par lui-même, l’air n’agit sur la superficie solide qu’en soulevant et en accumulant les matières pulvérulentes; il attaque encore certaines roches à l’aide d’une action tantôt purement physique, tantôt hygrométrique et chimique. L’air contient de l’eau à l’état de vapeur et la fait se résoudre en pluie; c’est par ce dernier phénomène surtout que l’atmosphère agit sur la surface et entraîne finalement jusqu’à la mer les matériaux meubles soit en nature, soit tenus en dissolution. Ainsi dans ce mouvement le sol terrestre perd les particules que l’eau lui arrache, tandis que la mer les reçoit pour ne les rendre jamais. Il faut en excepter les dunes qu’elle entasse sur certaines plages; en revanche, elle en ronge beaucoup d’autres. Il faut aussi tenir compte des soulèvemens qui mettent à sec certaines portions du sol marin; mais le contraire se présente également, puisque des espaces de la surface terrestre peuvent s’affaisser et disparaître sous le niveau de l’océan.

Tout va donc à la mer. Les résidus charriés par les eaux courantes se répandent dans la masse océanique, qui en opère la distribution; de là des formations sédimentaires très diverses : ici des vases marneuses, là des sables ou des galets, plus loin des argiles. La ténuité de ces matières influe sur le mode de distribution. Les plus grossières se répandent non loin des côtes, tandis que les plus fines, entraînées par les courans, s’étendent plus loin et se déposent dans les parties profondes de chaque bassin. Ces dépôts ne sont pas les seuls; ils se combinent plus ou moins et dans des proportions qui varient singulièrement avec deux autres. — C’est d’abord celui des substances dissoutes, qui s’opère généralement