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qu’un troisième courant » émané du siège de la volonté au cerveau, annule le second et laisse subsister le premier : c’est l’histoire de ce Romain qui se brûle le poignet devant le Porsenna étrusque. C’est aussi l’histoire de certains martyrs. Chez d’autres, le plus grand nombre, il semble que les perceptions douloureuses soient plutôt éteintes par l’attention vers la couronne céleste qui leur est promise que dominées par un effort de la volonté. L’homme chez lequel les courans nerveux volontaires domineraient tous les autres pourrait être dit l’homme vraiment maître de lui ; mais de telles natures, si elles existent, sont en tout cas fort rares autre part que dans les œuvres des romanciers, qui trouvent toujours là un type aussi peu naturel que séduisant pour les masses. Tous, plus ou moins, nous sommes soumis à cette dépendance un peu honteuse où nos organes tiennent notre esprit. Malgré nous, et quoi que nous fassions, notre cœur bat parfois plus vite que nous ne voudrions, une rougeur souvent menteuse colore nos joues, les larmes nous viennent aux yeux quand nous serions jaloux de cacher toute émotion ; une mauvaise digestion a son contre-coup dans la lucidité de l’esprit, et la tristesse sous l’influence des affections de l’hypochondre n’est pas tout à fait une erreur de la vieille médecine. L’intelligence, la raison, l’imagination, les facultés les plus nobles sont chez l’homme tout à la fois dépendantes d’une foule d’influences extérieures et d’influences occultés non moins nombreuses venant des organes.


IV.

Toute impression du dehors, tout contact extérieur transformé, comme nous l’avons dit, en sensation inconsciente dans la moelle, doit, pour devenir perception consciente, pour arriver à notre connaissance, être transmis jusqu’en un point du cerveau connu des anatomistes sous le nom de couches optiques. L’observation des malades, aussi bien que l’expérience, ne laissent ici aucun doute. La destruction d’une couche optique, fréquente dans les apoplexies, entraîne fatalement l’abolition de tout sentiment du côté du corps avec lequel elle est en rapport. Par des faits non moins irréfutables, on sait que toute volonté transmise aux membres qui l’exécutent part de deux autres amas de substance grise désignés dans le cerveau sous le nom de corps striés. L’intégrité des corps striés est nécessaire à l’intégrité de la faculté que nous avons de mouvoir nos membres comme il nous convient. Les corps striés ne sont pas toutefois le siège de l’acte volontaire proprement dit, car l’apoplectique, chez qui ces organes sont détruits, veut encore avancer le