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jusque-là victime. Quand une glande sécrète, nous voyons le liquide s’écouler ; quand un muscle agit, nous le voyons se raccourcir. Nos sens jugent directement que ces organes entrent en fonction. Dans les nerfs, rien de tel, et nous ne devinons l’effluve mystérieuse qui court en eux que par les effets qu’elle produit en dehors d’eux, et, comme tantôt c’est une sensation et tantôt un mouvement, on crut à des qualités différentes dans les deux sortes de nerfs. On pensa même avoir trouvé, — preuve nouvelle de cette différence de nature, — certains poisons, tels que le curare, qui tuaient les tubes moteurs et laissaient vivre les sensitifs. M. Schiff et M. Du Bois-Raymond, dont les grosses invectives ne nous empêchent point d’estimer la science, ont démontré par des expériences extrêmement délicates que tous les filamens nerveux sont en réalité des conducteurs indifférens, comme les fils électriques reliant divers appareils dans un cabinet de physique. Les nerfs moteurs sont ceux dont l’effluve agit sur un muscle, et les sensitifs ceux dont l’effluve toute pareille arrive jusqu’à notre sens intime. Si les effets diffèrent, c’est seulement en raison de la différente nature de l’organe influencé, de même que le courant électrique semble changer de nature suivant son action : ici il aimante un barreau de fer, et là il détermine une étincelle, ou contracte un muscle, comme s’il était à la fois vie, aimant, lumière. Et pourtant, malgré des effets si divers, la nature du courant dans le fil n’a pas varié.

L’importance de cette découverte, qui peut sembler assez étrangère aux recherches psychologiques, est cependant considérable, puisqu’elle simplifie tout à coup, de moitié l’étude des fonctions du cerveau. Le rôle de cette masse de substance blanche qui en constitue la moitié nous est désormais connu. La fonction en est simplement de transmettre d’un point à l’autre du cerveau des incitations dont nous aurons à rechercher l’origine, mais dont l’appareil récepteur seul déterminera la nature. Nous pouvons ajouter que cet appareil récepteur est toujours un amas de substance grise, qui est donc la partie importante, celle dont il faut rechercher la fonction.

La substance grise, pas plus que la blanche, n’est une gelée informe. Elle a une organisation : elle est composée de petits corps que les anatomistes appellent des cellules, munis dans leur milieu d’un noyau dont la forme rappelle un œuf microscopique. Cette cellule envoie de divers côtés une foule de prolongemens qui se divisent, se ramifient et s’enchevêtrent dans tous les sens. Les uns deviennent si minces, qu’ils finissent presque par échapper à l’observation ; les autres vont se continuer avec les tubes mous de la substance blanche, et cette union atteste d’une manière encore plus évidente, si c’est possible, combien Gall avait raison quand il pro-