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tions du gouvernement impérial. Cette question est depuis quelques années à l’ordre du jour dans beaucoup de professions. De nombreux syndicats ont été formés, et fonctionnent. Les documens les plus récens évaluent à quatre-vingt-dix ou cent au moins le nombre des chambres déjà fondées à Paris. Plusieurs se sont fédérées en grandes unions centrales, qui ont adhéré aux statuts de l’Internationale. On avait plus d’une fois proposé la création de chambres syndicales mixtes, composées en nombre égal de patrons et d’ouvriers, à l’instar des conseils de prud’hommes. On avait pensé que peut-être cette combinaison rendrait les mesures de conciliation plus faciles, et amènerait plus aisément l’entente entre les deux parties. Dans la pratique, l’idée de ces chambres syndicales mixtes paraît avoir été abandonnée, et les syndicats actuellement en vigueur sont tous des syndicats ouvriers, qui se sont élevés en face des chambres syndicales de patrons.

Aujourd’hui l’existence de ces syndicats est un fait accompli. Quelle que soit la défiance avec laquelle un grand nombre de personnes voient se développer ces associations, quelles que soient les tendances fâcheuses dont plusieurs de ces sociétés ont déjà donné la preuve, nous croyons que la loi serait désormais impuissante à les empêcher de naître et de s’accroître. L’impulsion est donnée ; le terrain conquis par les classes laborieuses ne sera pas reperdu. On pourrait, par une application rigoureuse de l’article 291 et de la loi du 10 avril 1834, étouffer certaines unions naissantes ; mais on serait incapable d’arrêter l’essor des grandes associations. Or les premières ne sont pas dangereuses, et, s’il y a péril, c’est dans l’extension démesurée de celles qui sont déjà puissantes ; mais comment arrêter celles-ci par une barrière légale ? L’empire a souvent poursuivi et condamné l’Internationale : il n’a fait que lui donner des forces par la persécution même. En contraignant les sociétés ouvrières à devenir des sociétés secrètes, on les rend plus redoutables ; elles se cachent dans les ténèbres, mais n’y périssent pas. Au contraire elles y puisent une vitalité nouvelle. L’Angleterre l’avait bien compris lorsqu’elle abrogea en principe dès 1824 les lois restrictives du droit de coalition. Malgré ce qu’elle a souffert des grèves depuis cette époque, elle vient tout récemment de prouver que l’avis de ses hommes d’état sur ce point n’avait pas changé. À la suite de la grande enquête parlementaire dont nous parlions au commencement de cette étude, le parlement vient de voter le bill proposé par M. Bruce, qui fait disparaître les derniers vestiges de l’ancienne législation contraire aux coalitions d’ouvriers, et qui reconnaît aux trades-unions une existence légale.

Ici encore prenons exemple sur nos voisins ; ne cherchons pas à