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objet, deux donnèrent d’instructifs renseignemens sur les heureuses tentatives qu’elles avaient faites pour prévenir par la conciliation les conflits industriels. C’étaient M. Mundella, ancien ouvrier, devenu président de la chambre de commerce de Nottigham et membre du parlement, et M. Rupert Kettle, juge dans le comité de Worcester.

C’est dans la bonneterie, qui occupe à Nottigham plusieurs milliers d’ouvriers, et dont lui-même est devenu un des principaux représentans, que M. Mundella a d’abord institué un conseil de conciliation et d’arbitrage. Il est peu d’industries en Angleterre, dit en substance M. Mundella dans sa déposition[1], qui aient eu à souffrir autant que celle-ci des disputes et des grèves. Au commencement du siècle, Nottigham fut le théâtre de nombreuses émeutes, suites des luttes industrielles. C’est là qu’en 1811 le mouvement luddiste, suscité par la résistance des ouvriers à l’introduction des machines fit explosion : des bandes armées attaquèrent les fabriques, pillèrent, brûlèrent, et pendant six ans, à divers intervalles, exercèrent d’affreux ravages. Depuis cette époque jusqu’en 1860, les grèves se succédèrent sans relâche à Nothingham les unions, organisées parmi les ouvriers, élevaient sans cesse contre les patrons des prétentions nouvelles, soutenues par des menaces de grèves ; les patrons répondaient par des lock-out, c’est-à-dire par la fermeture de leurs ateliers. Bref, la guerre dans toute sa rigueur, sans transactions et sans compromis, telle était jusque dans ces dernières années la situation réciproque du capital et du travail. « Mon enfance, dit M. Mundella, s’est passée parmi les ouvriers, spécialement parmi les ouvriers fabricans de bas ; je leur entendais toujours dire qu’il était impossible qu’un manufacturier fût un homme juste et honnête. Jusqu’en 1860, les accusations les plus graves et les appels les plus violens contre les patrons étaient affichés par les ouvriers sur les murs de la ville. »

En 1860, après une grève considérable qui avait déjà duré plusieurs semaines, l’idée d’un conseil de conciliation prit naissance. C’était la troisième ou quatrième grève que la même branche d’industrie avait à subir depuis un an. Les ouvriers avaient cessé leur travail pour obtenir une augmentation de salaire que les patrons ne voulaient pas accorder. Ceux-ci se réunirent et délibérèrent sur le moyen de mettre fin à un aussi funeste état de choses. Un lock-out général fut imposé ; mais c’eût été jeter toute la population dans les rues, et une effroyable commotion était à craindre. Avant d’en

  1. Voyez aussi Arbitration as a means of preventing strikes : a lecture delivered by A. J. Mundella esq., in the mechanics’ institute, Bradford (Bradford 1868).