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(2 septembre 1363), à titre d’apanage réversible à la couronne, faute d’hoirs mâles. La critique est désarmée par la lecture des lettres patentes d’un acte de si grande conséquence : attendu, y est-il dit, que Philippe notre fils s’est intrépidement exposé au péril de la mort à nos côtés à la bataille de Poitiers, qu’il y a fait bravement son devoir, qu’il y a été blessé, fait prisonnier et retenu quatre ans en captivité avec nous[1]. Le chagrin que lui donnait un autre de ses fils à ce moment n’a pas été sans influence peut-être sur cette détermination, source imprévue de si grands périls pour la monarchie[2].

Le duc Louis d’Anjou, l’un des otages d’Edouard III, périssait d’ennui en Angleterre. Bien que les Anglais lui rendissent la captivité douce par de bons et chevaleresques traitemens, et même par des actes de confiance qui à eux seuls eussent dû imposer au duc le devoir d’une inviolable fidélité a sa parole, le poids de la captivité n’en était pas moins devenu insupportable à ce prince. Elle durait depuis trois ans déjà, et les difficultés du paiement de la rançon semblaient lui assigner une durée illimitée. Il abusa de la liberté d’un voyage en France, et ne put se résigner à retourner à Londres, malgré les invitations du roi Edouard et le blâme de son père. Sur quoi, le roi d’Angleterre finit par adresser au duc la lettre suivante : « Louis, duc d’Anjou, comte du Maine, nostre cousin, et ostage pour l’accomplissement de la paix faite entre nous et le roi de France vostre père, vous avez promis et juré solempnellement ladite paix, si avant come il vous touche, ou poet toucher, et aussi de tenir devers nous ostage pour ladite garde. Si avez depuis enfreint vostre garde, et parti de nostre puissance sans demander ne avoir nostre congié, et par tele manière vous avez moult blêmi l’onur de vous et de tout vostre lignage. Par quoy, vous requerrons, que dedeintz vynt jors proscheins, vous vous presentiez en personne pardevant nous, a nostre cité de Londres, pour tenir ledit ostage, et vous signifions par exprès que, si tant soit que vous ne soiez as jour et lieu, ce que passe toute léalté, nous pensons aler avant sur le retour de vostre personne en ostage, si come a faire sera de loi et de raison. » Il tenait toute prête une citation pour le duc d’Anjou devant nobles et puissantz les piers de France.

Le roi Jean, courroucé moult, avait refusé d’entendre les explications de son fils, qui chicanait à tort sur l’exécution d’un engagement d’honneur, et, ne prenant conseil que de sa loyauté royale,

  1. Qui sponte expositus mortis periculo, nobiscum imperterritus et impavidus stetit in acte prope Pictavis, vulneratus, captus et detentus in hostium potestate.
  2. Philippe le Hardi a été le chef de la deuxième maison royale de Bourgogne. Il épousa Marguerite de Flandres, héritière des puissans comtes de ce nom, et devint le plus riche feudataire de son temps.