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collections formées par le père Armand David, qui permettent pour la première fois de préciser le caractère de certaines régions du monde. En présence des résultats acquis, on ne peut penser aux efforts de l’explorateur sans se réjouir et sans éprouver un vif sentiment de reconnaissance pour l’homme qui ne s’est jamais laissé vaincre par les obstacles. Pendant huit années, l’abbé David a fait de grandes choses avec d’infimes ressources. Il a pénétré dans des contrées inconnues, s’exposant à tous les dangers, supportant la fatigue, bravant les intempéries des saisons, surmontant des difficultés inouïes pour faire transporter des collections fragiles à travers des pays sauvages, afin accroître nos connaissances sur la création. Comment ne pas être touché d’un pareil dévoûment mis au service de la science ! Plus insouciant encore de la réputation et des honneurs que du bien-être matériel, l’abbé David n’avait d’autre mobile que l’ambition de réaliser un progrès et d’assurer à la France la gloire des premières découvertes dans les parties les moins connues de l’extrême Orient. Il a été soutenu dans la noble tâche qu’il s’était imposée par les témoignages d’intérêt des professeurs du Muséum d’histoire naturelle. M. Milne Edwards n’a négligé aucune occasion de lui donner un concours actif, et le savant missionnaire a souvent répété dans sa correspondance que les encouragemens de notre illustre zoologiste affermissaient son courage et excitaient son zèle. Les hommes de science n’oublieront pas M. Etienne, le supérieur général de la congrégation des lazaristes, qui a permis à l’explorateur de se consacrer entièrement aux travaux scientifiques, en le déchargeant des obligations ordinaires des missions. L’abbé David revenait en France, dans les derniers mois de l’année 1870, prendre un repos nécessaire au rétablissement d’une santé fort éprouvée ; il n’a pu entrer dans Paris, il n’a reçu de personne l’expression des sentimens qu’inspirent ses laborieuses recherches. C’est dans le palais d’un noble étranger qu’il a dû attendre la fin des malheurs de la patrie[1].

Émile Blanchard.
  1. Nous avons appris que le père Armand David se trouvait à Gênes chez le marquis Doria.