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LA PROPAGANDE PRUSSIENNE EN ALSACE.

le mal tout entier. Le second fait que les enquêtes successives ont mis en lumière, c’est que la culture la plus productive, surtout la culture industrielle, s’est développée régulièrement d’année en année. Les houblonnières ont quadruplé d’importance ; le tabac, qui occupait 1 800 hectares en 1838, arrivait en 1852 à 3 000 hectares, en 1866 à près de 5 000. Sans rappeler chaque genre de culture[1], il suffit de remarquer que le progrès a été général et n’a subi que des arrêts insignifians. Quant au rendement, il a augmenté comme la surface même des terrains exploités. L’augmentation du produit moyen par hectare a été de 1838 à 1866 de 16 pour 100 pour le blé, pour l’orge de 38 pour 100. L’hectare de tabac donne en moyenne aujourd’hui 200 kilogrammes de plus qu’il y a trente ans. La commission départementale du Bas-Rhin estime que dans cette période la valeur du prix des loyers pour les terres a augmenté de 45 pour 100 ; les produits agricoles ont doublé en quelques années.

L’Allemagne elle-même nous fournit la réponse la plus concluante à ses accusations. La partie de son territoire la mieux cultivée est la Saxe royale. Le climat de cette province est celui de l’Alsace ; de plus, la Saxe, comme l’Alsace, est occupée pour un tiers environ par des montagnes. Les conditions se réunissent donc toutes pour une comparaison qui peut nous instruire. En Saxe, le revenu par hectare est de 185 francs ; dans le Haut-Rhin, il est de 200 francs, dans le Bas-Rhin de 245 francs. La valeur foncière par hectare en Saxe est en moyenne de 2 300 francs ; dans l’arrondissement de Strasbourg, elle atteint 4 200 francs ; dans le Bas-Rhin tout entier, 3 300 francs, et dans le Haut-Rhin de 2 300 à 2 500 francs. Ainsi l’agriculture alsacienne n’est pas inférieure à l’agriculture la plus avancée de l’Allemagne, elle lui est même supérieure ; j’ajoute qu’elle rivalise avec celle de l’Angleterre, et qu’en France les départemens du nord seuls peuvent être comparés à ceux du haut et du Bas-Rhin.

Progrès continu, état actuel qu’il ne faut comparer qu’aux plus riches prospérités agricoles de l’Europe contemporaine, telle a été l’histoire de l’agriculture alsacienne sous l’administration française.

  1.   BAS-RHIN   HAUT-RHIN
    18385 18665 18385 18665
    Production des grains
    100 060 hect. 118 913 90 293 hect. 100 294
    Racines et plantes potagères
    37 900   42 000 19 591   29 146
    Cultures industrielles
    15 911   17 450 1 143   4 775
    Prairies naturelles et artificielles
    68 380   80 964 65 821   76 482

    J’emprunte ces chiffres au remarquable rapport de M. Eugène Tisserand sur l’enquête agricole de 1866 en Alsace.