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LA
PROPAGANDE  PRUSSIENNE
EN  ALSACE

L’Allemagne ne s’est pas contentée d’établir en Alsace une administration intelligente[1], où les forces les plus diverses sont soumises à une ferme direction d’ensemble ; elle entend gagner aux idées allemandes l’opinion publique, elle entend convaincre les esprits : la conquête morale lui importe autant que la conquête militaire, elle lui importe davantage. C’est pour cette raison que dès le mois de septembre, avant même d’avoir pris la ville de Strasbourg, elle réformait les écoles et créait des journaux, que depuis elle ne cesse de faire plaider sa cause par des feuilles officieuses, qu’elle répand à profusion les articles, les brochures, les histoires populaires. Aux enfans, on montrera le passé germanique de la province, et ainsi on rattachera le moyen âge au siècle présent ; aux hommes faits, on répétera les hautes qualités de l’Allemagne, la justice de ses droits, le mal que la France a causé à l’Alsace. Cette propagande est infatigable. Nos vainqueurs y dépensent autant d’activité que d’érudition ; on aurait tort de croire qu’ils y manquent toujours de sincérité.

Le ton de cette propagande est le plus souvent celui du pamphlet ; on n’y reconnaît que par exception des esprits maîtres d’eux-mêmes. Ces questions peuvent être traitées de la sorte, surtout si on s’adresse à la foule. Elles sont cependant assez importantes pour mériter qu’on leur fasse plus d’honneur. Sans parler de l’intérêt philosophique qui s’attache toujours à l’examen d’une vérité contestée, du désir légitime d’éclairer ceux que ce problème touche de plus près, le débat ici porte sur de trop graves sujets pour qu’il soit

  1. Voyez dans la Revue du 1er juin l’Alsace sous le régime prussien.