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près : ils n’ont d’autre légitimité que celle de leur force de hasard, tant qu’elle dure.

Je passe rapidement sur les incidens bien connus qui ont précédé les élections du 27 mars. Tout le monde se rappelle la fusillade de la place Vendôme, parfaitement préméditée, comme le prouve l’article menaçant paru le matin même dans la Vraie République, l’essai avorté de la répression et les funestes tentatives de conciliation, qui n’ont eu d’autre résultat que d’amener une partie des amis de l’ordre aux urnes de la démagogie. À partir du dimanche 27 mars, la commune entre en scène ; c’est une nouvelle phase de l’insurrection bien autrement grave que la première.

II.

Les mots, comme les livres, ont leur histoire ; celui de commune a changé entièrement de sens dans le cours de ces derniers mois. Pendant le siège, la commune, réclamée avec passion par le parti révolutionnaire, était tout autre chose pour lui que celle qui a été intronisée à l’Hôtel de Ville : c’était tout simplement la fameuse commune insurrectionnelle de 1793, qui faisait la loi à la convention, poussait aux mesures violentes, et jouait le rôle de pouvoir exécutif du club des jacobins ; elle était l’un des ressorts les plus énergiques de la centralisation dictatoriale qui prétendait sauver la république une et indivisible par une dictature sanglante. Les franchises municipales dont on a fait tant de bruit depuis lors n’avaient point de place sur son programme, puisqu’elle tirait sa force de la confusion de toutes les attributions, et qu’elle voulait être un corps politique pour la France entière, dictant ses volontés à la représentation nationale, et la forçant au besoin à se mutiler elle-même. C’est bien une commune semblable que réclamaient les clubs et les journaux extrêmes pendant le siège ; ils voulaient la faire nommer directement par le suffrage universel de Paris pour opposer un pouvoir élu au gouvernement improvisé du 4 septembre, amoindrir celui-ci et le dominer. L’assemblée populaire devait être chargée de la conduite de la guerre ; à elle de décréter la fameuse levée en masse, de remplacer les généraux, de frapper les absens, de rationner et réquisitionner sans merci les assiégés, d’écraser les anciens partis, de déclarer la lutte à outrance. C’est bien là ce que demandaient tous les jours les Blanqui et les Delescluze, ce qui faisait le fond de toutes les harangues de Belleville et de Montmartre, ce qui faillit réussir au 31 octobre. On ne soufflait pas un traître mot de la fédération républicaine et de la belle invention de Paris libre, c’est-à-dire isolé. On s’en tenait à la vieille théorie ja-