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tiers, aux prises avec une guerre dynastique contre l’Angleterre et avec la rivalité hostile d’un méchant prince de sa race, — la France essuyant des défaites incroyables par l’indiscipline de sa chevalerie, tout en sauvant l’honneur, dans la personne de son roi, et perdant des batailles qui précipitaient en quelques heures dans l’abîme un pays épuisé, mais fécond encore en ressources : abîme d’où fut inhabile à le tirer le gouvernement tumultueux d’une assemblée politique, appelée par les institutions nouvelles, nées de la transformation de la monarchie féodale, à prendre en mains le pouvoir effectif et vacant en ce moment suprême. Nous y verrons à regret les divers membres des états-généraux du royaume, réunis autour d’un prince de vingt ans, et surtout la bourgeoisie des villes, récemment émancipée, tous également dépourvus d’expérience des affaires et de cet esprit politique dont l’Angleterre donnait déjà l’exemple remarquable à l’Europe, augmenter le désordre au lieu de pourvoir à le réparer. Paris et sa population mutinée nous donneront un affligeant spectacle, hélas ! renouvelé de nos jours, en complétant les malheurs publics par une coupable agitation, bientôt changée en criminelle révolte. Le prévôt des marchands, le fameux Étienne Marcel, nous apparaîtra, interprète imprudent d’abord d’un mécontentement motivé, mais intempestif, puis instrument aveugle et complice déclaré de la rébellion, achevant la ruine du pays désolé, laissant la place à la hideuse jacquerie, et finissant sa carrière, à tout prendre fatale, par être pris en flagrant délit de livrer une porte de Paris aux Anglais, crime où l’ont conduit sa faiblesse, son orgueil et son incapacité tracassière.

Mais après les tristes négociations de Brétigny, inévitable conséquence de tant de fautes, notre douleur sera soulagée à la vue de l’œuvre réparatrice accomplie en peu d’années, par Charles V, au moyen d’une habile et prudente administration soutenue par la vaillante épée de Duguesclin. Le programme que nous venons de tracer indique la division naturelle de cette étude en deux parties. Dans la première, nous rechercherons les fautes qui ont réduit la France à subir le traité de Brétigny, en faisant à chacun sa part véritable et rigoureuse de responsabilité. Nous examinerons dans la seconde partie comment la France s’est relevée de cette infortune et de cet abaissement. Tel est le but de cette exploration du passé, qui ne laissera pas que d’offrir peut-être quelque enseignement pour l’intelligence du présent, et quelque espérance pour l’amélioration de l’avenir, indépendamment de quelques résultats nouveaux auxquels nous a conduit l’examen impartial et approfondi des sources de l’histoire à cette époque.