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L’ALSACE ET LA PRUSSE.

Bas-Rhin étaient Alsaciens. Nombre d’agens forestiers, de comptables, d’agens-voyers, d’employés des douanes, de juges, de professeurs, fixés en Alsace pour toute leur vie, avaient à peine fait un court séjour en France avant de revenir exercer leurs fonctions dans leur pays, quelquefois dans le lieu même de leur naissance. Des cinq doyens des facultés de Strasbourg, quatre étaient nés en Alsace ; l’évêque de Strasbourg était un Alsacien de vieille souche. La cour de Colmar et les tribunaux de première instance se trouvaient composés en grande partie d’Alsaciens. Aux yeux de l’Allemagne, la France avait commis une grande faute ; il importait d’en profiter.

La Prusse, après beaucoup d’instances, trouva dix ou douze fonctionnaires inférieurs qui consentirent à reconnaître l’autorité allemande, ainsi trois ou quatre juges de paix dans le Bas-Rhin et autant de percepteurs. Pour les services forestiers et des ponts et chaussées, il ne fut pas difficile au gouverneur de nommer des titulaires excellens, non plus que pour le service des postes. Il n’en fut pas de même pour les administrations financières. Nos lois de finances ne sont pas celles de l’Allemagne. L’enregistrement n’existe pas en Prusse ; dans les provinces rhénanes, seules, on a conservé depuis 1815 la loi de frimaire an VIi, qui règle la perception de cet impôt. Les quatre contributions directes n’ont pas non plus leurs équivalens exacts de l’autre côté du Rhin ; le monopole du tabac est inconnu en Allemagne ; les conservations d’hypothèques n’y sont pas organisées sur les mêmes bases que chez nous ; enfin le timbre y joue un rôle plus important qu’en France. Les difficultés naissaient de toutes parts. L’administration arrêta que toutes les lois françaises sur les finances resteraient en vigueur. Le gouvernement avait saisi comme propriété publique la manufacture des tabacs de Strasbourg, qui, avec ses dépendances dans les cantons et ses approvisionnemens, représentait une somme de 16 millions ; il se fit fabricant pour son compte, et demanda l’exécution de tous les marchés contractés avec la France. Il arrêta que les quatre contributions directes seraient payées en 1871 d’après le contingent fixé pour le haut et le Bas-Rhin en 1870 par le corps législatif français, et que la répartition communale serait conforme à celle faite l’année précédente par les deux conseils-généraux. Cette mesure a soulevé des plaintes très vives. Aux termes mêmes de l’arrêté, l’Alsace paiera pour cet impôt en 1871 beaucoup plus qu’en 1870. Le contingent en effet a été fixé dans l’hypothèse d’une année heureuse ; il est accablant lorsqu’il vient s’ajouter à toutes les charges de la guerre. Pour l’enregistrement, les employés s’entourèrent de toutes les instructions qui ont modifié la loi de frimaire ; la plupart d’entre eux du reste furent appelés des provinces rhénanes. Des arrêtés mul-