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être que partout ailleurs, dans le droit constitutionnel. Les magistrats avaient un caractère sacerdotal ; leur élection devait être confirmée par les augures. On ne tenait pas d’assemblée populaire sans avoir obtenu le consentement des dieux sous la forme des auspices. Les assemblées primitives ou par curies avaient, à côté de leur caractère politique, un caractère religieux qui survécut longtemps au premier. Le sénat ouvrait ses séances par une longue prière.

La religion romaine avait donc dans ses beaux temps un caractère essentiellement pratique ; elle pénétrait toute la vie publique et privée. Voyons à présent quels étaient les institutions et les organes chargés de l’entretenir et de la développer. On a vu qu’il y avait des prêtres ; mais quelles étaient leurs attributions ? La souveraineté ecclésiastique résidait-elle dans le clergé ou dans la communauté ? Pour les premiers temps, la réponse paraît facile. Nous avons affaire à une église nationale, démocratique, laïque, où le clergé est subordonné au peuple, où l’autorité suprême réside dans la nation. Quelques détails justifieront cette affirmation.

Les prêtres se divisaient en deux catégories ; les uns étaient chargés de l’exécution matérielle des actes du culte : ceux-là occupaient une position tout à fait inférieure, ils n’exerçaient aucune influence, ne jouissaient d’aucune considération ; nous pouvons les laisser de côté. D’autres, les féciaux, les augures, les pontifes, paraissent avoir eu, sinon du pouvoir, au moins de l’autorité. Ils semblent même avoir pu statuer sur certains points. On pourrait se méprendre sur leur véritable position, que nous allons préciser.

Les féciaux concluaient les traités avec l’étranger ; mais ils le faisaient au nom et sur l’ordre du peuple ou des magistrats : ils étaient subordonnés au sénat. Sans doute ils donnaient leur avis sur la légitimité des guerres à entreprendre, mais ils semblent avoir eu voix consultative plutôt que délibérative, avoir été non des législateurs, mais des dépositaires et des interprètes du droit. Quant aux augures, le meilleur moyen de faire comprendre leur position, c’est de montrer le rôle qu’ils jouent à côté des magistrats. C’est une erreur de croire que les augures servaient d’intermédiaire entre les dieux et le peuple. Ce rôle appartenait proprement au roi, ou au magistrat qui le remplaça après l’expulsion des Tarquins. Le roi réunissait sur sa tête la plénitude du sacerdoce comme celle de la magistrature. Il était lui-même augure, et pouvait prendre les auspices sans se faire assister de personne. Avec le temps, quand la vie se compliqua, un seul homme ne suffit plus à la masse croissante des fonctions, et des connaissances nécessaires pour s’en bien acquitter. Une division du travail devint indispensable ; on créa di-