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plusieurs semaines, indiquaient dans la vente de la boucherie un amoindrissement des trois huitièmes ; comme il n’y avait pas alors d’augmentation dans les prix, la réduction venait évidemment du départ d’une partie considérable des acheteurs. Depuis cette époque, la liste des absens s’est accrue. Si l’on s’arrête néanmoins à la proportion des trois huitièmes, on aurait encore à prendre en note l’éloignement momentané de 500,000 à 600,000 consommateurs. L’œil peut mesurer le vide qui en résulte.

Supposons que, pour ses dépenses alimentaires de toute espèce, chacun des absens, qui, je le répète, appartient en général aux classes les plus favorisées, ait inscrit à son budget quotidien une somme de 3 fr. 50 cent., jugez du résultat. L’affaiblissement serait d’au moins 1,700,000 francs par jour, ou de 51 millions par mois. Il convient de faire observer toutefois que dans l’alimentation le nombre des ouvriers n’est pas aussi élevé qu’on le pourrait croire d’après le chiffre des transactions. Ainsi on en compte, environ 41,000 pour 1 milliard 200 millions d’affaires ; c’est moitié moins que dans l’ameublement pour 200 millions. Cela tient à la valeur de la matière, qui demande peu d’élaboration, et figure bien plus que la main d’œuvre dans les prix de vente. On pourrait mentionner un exemple analogue dans le traitement des métaux précieux, pour le plus grand nombre des applications. En sens inverse, l’industrie cotonnière, roulant sur un produit d’une valeur très minime, sauf le cas de disette du coton, doit presque tout au bras de l’homme. Dans le cas qui nous occupe, en supputant toutes ces données fournies par l’économie journalière du travail, si intéressantes en elles-mêmes, on n’aura pas trop de peine à établir l’étendue des dommages ressentis durant la crise. On peut estimer que les ouvriers de l’alimentation, pris en masse, ont perdu la moitié de leur gain accoutumé. Admettez que sur les 41,000 il y en ait 20,800 qui soient demeurés oisifs, et vous ne serez pas loin de la réalité.

Les industries agglomérées dans le sixième groupe supposent, quoiqu’en une proportion moindre que le vêtement, un travail manuel bien plus développé que l’alimentation. Un nombre de 50,000 ouvriers y figure en face de 490 millions d’affaires. Tels étaient naguère les chiffres à signaler. Les fabrications qu’ils concernent sont pour la plupart des fabrications très actives, très perfectionnées, dont quelques-unes ne sont étrangères ni à l’art, ni au bon goût, et qui toutes ont profité des progrès de la science moderne. Ce sont d’abord les arts chimiques, si profondément transformés depuis un demi-siècle, et qui en sont venus à opérer de réels prodiges. C’est l’industrie des cuirs et peaux, qui ne se reconnaîtrait plus elle-même, surtout à cause de la fabrication des cuirs vernis, si elle regardait un peu en arrière. C’est la céramique, qui