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troverse n’est point possible ; les faits sont là, ils frappent, ils affligent tous les regards. À peine a-t-on le courage de les envisager, car les cœurs sont aussi cruellement éprouvés que les intérêts. En réalité, l’affaissement du travail a été complet et immédiat : les forces ont été paralysées. La valeur productive de l’homme qui sollicite les meilleures tendances de sa nature a été sacrifiée, dédaignée, pour ne laisser place qu’à ces élans destructeurs, dont la guerre civile a toujours fomenté les tendances les plus funestes et les plus perverses.

Déjà, d’après les premiers indices que nous venons d’exposer sur l’activité habituelle du mouvement industriel dans Paris, on a pu se figurer l’étendue du mal, la gravité des désastres. On a pu pressentir encore qu’avec la fortune de la capitale, c’est l’avoir, le gain, la substance même du travail qui s’écroule et disparaît. Cela ne suffit point toutefois. Ce ne sont pas de simples pressentiment ou de fugitives aperceptions qu’il faut, je ne dis pas à la politique ni à l’économie politique, mais à l’enseignement du travail et à cette forte éducation dont nous avons tous besoin pour tirer parti de nos malheurs, pour en adoucir et en abréger les conséquences. Le bien de l’ouvrier, le progrès social, l’idée même de la justice, réclament des notions plus précises et plus concluantes, où les douloureuses expériences déjà faites puissent éclater au grand jour. Ayons donc le courage de pénétrer plus avant sur ce champ du travail parisien où règnent à présent la désolation et la mort.

Comment procéder à cette investigation ? Convient-il de se contenter d’envisager en bloc le nombreux personnel utilisé dans l’industrie en vue d’arriver à une répartition par tête du dommage éprouvé, ou, en d’autres termes, de la somme à jamais perdue pour les familles ruinées ? Cette méthode pourrait sans doute fournir un résultat exact ; mais les calculs manqueraient de précision. L’esprit se reconnaîtrait difficilement dans un tel amalgame, où disparaîtraient les nuances différentielles. Ce n’est point par là qu’il faut commencer : la répartition suppose des distinctions déjà faites. Nous y arriverons nous-mêmes, mais plus tard, comme à une conclusion, comme à une dernière résultante des observations rassemblées. On ne saurait non plus s’attaquer à chaque fabrication isolément : on n’en finirait jamais ; on se noierait dans des détails superflus. Sachons que l’enceinte parisienne renferme près de 300 métiers différens. Un système de groupemens partiels s’impose donc à l’esprit. Pas d’autre moyen d’échapper aux périls signalés ; seulement, en fait de division, il est nécessaire de se montrer très sobre, surtout dans un cadre comme le nôtre, que l’œil doit pouvoir embrasser rapidement. Les catégories de la grande enquête de 1860, dont l’ampleur comportait des détails multipliés et de nature fort