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LA CRISE DU TRAVAIL


DANS PARIS




Il n’est que trop opportun, en ces tristes circonstances, de calculer les pertes énormes que cette déplorable guerre civile, qui tarit toutes les sources du travail parisien, a déjà infligées à la grande famille des ouvriers de la capitale. Quoique difficile et délicat, ce bilan n’est pas impossible à établir. Il doit nécessairement en résulter d’ailleurs plus d’un sujet de réflexions utiles pour le rétablissement et la consolidation de la paix sociale. On s’est donc appliqué à réunir des indications positives sur les effets d’une crise sans exemple dans les annales du travail. Tout en nous aidant de documens plus ou moins anciens, qui servent de points de départ et de termes de comparaison, nous les avons complétés par des recherches récentes relatives au dernier état des choses. On ne craint pas de trouver ici l’opinion publique indifférente ou distraite ; les émotions, les anxiétés de tous se lient de trop près aux cruelles épreuves qu’embrasse cette étude. Les résultats de la crise économique ne sont pas un des moins saisissans aspects de cette question, qui semble tenir en suspens la vie de la France entière.

Autre circonstance non moins significative : le pays, abusé si souvent depuis le début de nos malheurs par des récits imaginaires, parfois puérils, appelle visiblement de ses vœux quelque thème solide où puisse enfin s’arrêter sa pensée. Il est comme altéré de ces notions précises et sûres dont il a été sevré comme à plaisir dans toutes les branches des informations publiques. Or, dans notre cadre, il n’y a point de place pour les inventions de fantaisie. Les données qu’il renferme, à raison même de leur objet, ont l’avantage de diriger l’attention sur les côtés les plus réels et les plus sensibles de la vie journalière des masses. De cette façon, elles tendent forcément à nous faire voir les choses telles qu’elles sont, car on dirait que la guerre étrangère, avec ses folies, ses mal-