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LA DISCIPLINE


ET


L’INSTRUCTION OBLIGATOIRE


EN PRUSSE




Un historien qui se piquait d’être homme de progrès, et rêvait volontiers le rôle d’un Pline ministre d’un Trajan, s’écria en apprenant l’issue de la bataille de Sadowa : « Voilà une grande victoire pour l’instruction primaire ! » Le mot était heureux ; beaucoup de gens le répétèrent, et se crurent de profonds moralistes. Nous avons en France le goût de ces formules simples, de ces phrases qui résument une question, de ces mots qui la résolvent, ou semblent la résoudre. Les ignorans se contentent de peu ; l’espionnage de l’ennemi, la trahison de nos états-majors, voilà de quoi expliquer tous les désastres, et le peuple souverain se considère toujours comme le premier du monde, puisque l’on n’a triomphé de lui qu’avec des armes tellement viles. Il y a des esprits plus exigeans qui veulent des raisons plus spécieuses ; elles ne manquent point, et, pendant le cours de la dernière guerre, il s’est trouvé nombre de docteurs pour nous révéler dans l’espace de quelques minutes la cause de nos défaites et nous indiquer d’un trait de plume les moyens de les réparer. Nous avons été écrasés, disaient-ils, par la triple supériorité de l’organisation, du nombre et de l’instruction populaire.

Nous avons affronté une armée d’un million d’hommes avec 180,000 combattans ; nous n’étions préparés en rien, et 27 pour 100 de nos conscrits ne savaient pas lire. Tel est le mal, le remède est tout trouvé ; c’est l’organisation prussienne, le service universel et