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« Versailles, 7 février 1871.
« Monsieur le préfet,

« Je m’empresse de répondre à votre lettre du 4 février que l’armistice n’a renoncé en aucune façon aux impôts et contributions qui sont dus, et que l’exécution de nos ordres du 21 janvier ne se trouve modifiée en aucune façon.

« La seule modification pendant l’armistice est que l’exécution des mesures concernant l’incendie et la fusillade peut être précédée par l’envoi d’une garnison considérable, lorsqu’il y aura des troupes disponibles, ou par l’arrestation du maire et des notables.

« L’interprétation de l’armistice est tellement simple et hors de doute qu’il n’est pas nécessaire de s’entendre à ce sujet avec M. Jules Favre,

« Comte de Bismarck. »

Il fut donc bien établi que la ville aurait à payer le 6 mars les 326,807 francs du mois de février et 21,287 francs pour les six premiers jours du mois de mars. On ne paya pas. Alors, malgré la signature des préliminaires de paix, le 26 février une exécution militaire fut ordonnée, et chez les plus riches habitans, notamment chez les banquiers, des garnisons de quinze à vingt hommes furent établies. Le conseil municipal céda : il promit de verser la somme exigée, mais demanda un délai jusqu’au 15 mars, et s’occupa d’organiser un emprunt. Sur ces entrefaites, fut signée le 12 mars la convention de Rouen entre M. Pouyer-Quertier et M. Nostiz Wallwitz : l’article 8 portait, comme l’on sait, que les contributions arriérées ne seraient plus exigées des municipalités, mais que le gouvernement français en tiendrait compte au gouvernement prussien. Le conseil municipal de Nancy se fonda naturellement sur cet article 8 pour ne pas opérer le versement. On s’attira du gouverneur-général une lettre où l’ingéniosité des jurisconsultes de caserne s’était donné pleine carrière. Il prétendait que les conseillers municipaux, s’étant engagés à verser 347,000 francs le 15 mars, avaient changé le caractère de cette dette, qu’il ne s’agissait plus d’une contribution imposée à la ville, mais d’une obligation personnelle contractée par les conseillers en tant qu’individus, que cet engagement pris sur l’honneur devait être acquitté en tout état de cause. M. de Bonnin se laissait aller à écrire ces grossières insultes : « Ici encore se reproduit un fait si souvent constaté par nous chez vos compatriotes, à savoir : que, malgré la parole d’honneur engagée, parole sacrée pour toutes les nations et non sujette à équivoque, on est exposé à des déceptions. Je rappelle donc à vous, M. le maire, et au conseil municipal, la parole donnée, que d’autres