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être d’autant plus honteux que les promesses les plus magnifiques en avaient accompagné les débuts. Il ne fallait que le souci des plus vulgaires intérêts pour s’irriter de renchérissement de toutes choses et du déplacement de toutes les habitudes, suites inévitables de ces immenses travaux qui tendaient à créer une ville toute nouvelle sur les débris du Paris d’autrefois. L’accumulation des ouvriers dans les faubourgs, quand ces constructions splendides ne leur laissèrent plus, dans les quartiers moins excentriques, l’asile même des mansardes, donna d’un autre côté aux sociétés secrètes plus de facilités pour les entretenir dans des sentimens de haine contre le gouvernement et d’envie contre les riches, et pour les unir dans une action commune contre ce double objet de leurs agressions. Ainsi s’est étendue dans Paris l’opposition républicaine à l’empire, ainsi se sont accrues son importance et son audace ; ainsi elle s’est trouvée assez forte pour se diviser sans compromettre son succès. Les fautes commises après le 4 septembre ont aggravé encore cette scission des républicains. Elles ont ruiné dans l’opinion publique leurs chefs les plus modérés et jusqu’alors les plus populaires. Elles ont donné l’avantage aux opinions radicales, qui seules, à Paris du moins, semblaient exemptes de toute responsabilité dans le naufrage des espérances universellement partagées. Elles ont créé enfin chez les uns un découragement, chez les autres une effervescence dont le résultat commun a été de rendre impuissantes toutes les mesures de prudence et possibles toutes les folies.


IV.

Si ce tableau est fidèle, le divorce de Paris et de la province, comme presque tous nos maux actuels, n’a pas d’autre origine que la politique également funeste du gouvernement impérial et des deux dictatures républicaines qui se sont partagé sa succession. L’empire, en se conciliant les campagnes et en s’aliénant les villes par une politique tortueuse, n’a réussi qu’à ajouter une nouvelle cause de division à toutes celles qu’il a entretenues ou provoquées pour sa ruine et pour la nôtre. Le gouvernement de la défense nationale et sa délégation ont échoué par une même répugnance pour le contrôle et pour la lumière. Ils ont réclamé une confiance aveugle, et ils ne lui ont donné pour base que des illusions, qu’ils ont vues également se tourner contre eux, l’un pour les avoir trompées sans préparation, l’autre pour avoir affecté de leur rester fidèle, alors qu’elles s’étaient dissipées. L’un et l’autre ont ainsi achevé de pousser les esprits dans des voies contraires, — en province vers une réaction aveugle s’appuyant sur le besoin de paix, — à Paris vers une démagogie effrénée, s’offrant comme la dernière ressource du patrio-