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fait : comme en 1827 et en 1830, tous les choix de Paris appartiennent au parti libéral. Enfin en 1869, la lutte n’est plus entre l’opposition et le gouvernement, elle est entre les diverses nuances opposantes ; les plus prononcées disputent partout le succès, et elles l’emportent dans une circonscription.

La province était-elle restée étrangère à cette insurrection pacifique contre le gouvernement impérial ? À chaque élection, les candidatures officielles y avaient vu décroître leur prestige ; presque toutes les villes de quelque importance leur étaient hostiles, et dans les campagnes même elles étaient de plus en plus ébranlées. Elles se soutenaient cependant par la puissance du nombre et par la division de leurs adversaires. Parmi ceux-ci, beaucoup ne représentaient qu’un ressentiment personnel ou un mécontentement local ; une partie assez considérable n’avait en vue que les intérêts religieux. L’opposition systématique et irréconciliable n’avait pour elle que deux minorités, l’une attachée aux dynasties déchues, l’autre impatiente de rétablir la république ; le plus grand nombre acceptait l’empire, et n’en voulait que la transformation libérale. Paris au contraire, comme l’attesta sans ambages le vote sur le plébiscite de 1870, ne voulait plus de l’empire, même tempéré par des institutions libres ; un seul parti, le parti républicain, y disposait de toutes les élections, et, lorsque l’empire était encore debout dans toute sa force apparente, la question ne se posait pour la majorité des électeurs parisiens, comme en 1848, qu’entre la république modérée et la république radicale. La majorité républicaine était d’ailleurs incomparablement plus forte en 1869 qu’en 1848. À cette dernière date, elle n’avait guère, même dans sa fraction la plus exaltée, que des convictions nouvelles et chancelantes, et elle se montrait encore très accessible à la séduction des souvenirs dynastiques, surtout des souvenirs napoléoniens. En 1869, les modérés et les radicaux étaient également fermes dans leur aversion pour tout établissement monarchique, et les seconds en particulier avaient pris une consistance et une audace croissantes.

Dans cet état des esprits, il était chimérique d’espérer que l’opposition cesserait, après la chute de l’empire, entre la France et sa capitale. La persistance des revers militaires et la multiplicité des fautes commises n’ont pu que l’aggraver. Sur un seul point, il y a eu accord : des deux parts, on s’est plaint avec une égale amertume d’avoir été mal gouverné ; mais combien les griefs étaient différens ! Ici, il n’était question que de faiblesse, d’indécision, de routine obstinée, de mauvais vouloir à l’égard d’une œuvre entreprise et poursuivie sans confiance ; là, on accusait une énergie mal dépensée, le mépris de toutes les règles et la violation de tous les droits, l’entêtement dans un système condamné par une série de douloureuses