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tions intérieures, avec beaucoup de divergences individuelles, il n’y a pas deux grandes opinions, deux grands courans d’idées en présence. M. Scialoja pense que les conservateurs devraient proposer trois mesures qu’il croit nécessaires pour maintenir la forme actuelle du gouvernement : d’abord une loi plus sévère pour réprimer les écarts de la presse, dont la licence est sans bornes, et qui ne respecte ni la vie privée des citoyens, ni les institutions établies, — ensuite une interdiction sévère des sociétés secrètes, qui n’ont plus de raison d’être dans un pays de liberté absolue, — enfin une réforme du jury qui le composerait de personnes plus instruites et plus capables d’exercer ces importantes fonctions. Nous ne discuterons pas ici le mérite de ces mesures ; mais M. Scialoja se figure-t-il qu’on puisse ainsi faire naître à volonté des partis politiques rien qu’en adoptant un programme ? Voyez en Angleterre, aux États-Unis : les partis sortent de la situation même du pays et des événemens. Sans doute ils adoptent un programme, mais ce n’est pas ce programme qui les suscite. Les mesures proposées par l’éminent économiste napolitain auraient d’ailleurs pour effet probable de désunir les conservateurs, loin de les rallier sous une même bannière. Il ne faudrait pas s’étonner si les plus éclairés d’entre eux repoussaient toute mesure de rigueur contre la presse ou contre les associations, car ils doivent savoir par l’exemple des pays libres que le seul moyen d’empêcher que la liberté soit un danger est de ne point y mettre d’entraves. Rien n’est plus périlleux que la liberté qu’on prétend tempérer par une sage compression. C’est le plus sur moyen de répandre partout l’esprit de rébellion. L’Italie a eu l’honneur de traverser les crises redoutables du sein desquelles elle est née sans jamais porter atteinte à ses libertés. C’est un exemple qu’on ne saurait trop admirer ; et, comme elle ne s’est pas mal trouvée de cette expérience si glorieuse pour elle, il est peu probable qu’elle entre dans la voie de la compression au moment où elle est sortie du danger. « Fermer la bouche aux tribuns et briser la plume des écrivains, dit très bien M. Jacini, n’est pas pratiquer l’art de gouverner ; celui-ci consiste à rendre inoffensifs les discours des agitateurs et les violences des pamphlétaires. »

Les républicains, peu nombreux, mais ardens, invoquent les souvenirs du moyen âge, et attirent la partie enthousiaste de la jeunesse. Ils disent que l’abolition de la royauté serait le salut de l’Italie. La république est une noble forme de gouvernement, elle n’a qu’un défaut : c’est qu’elle exige des qualités toutes spéciales chez les peuples qui l’adoptent. Les républiques italiennes du moyen âge ne comprenaient qu’une cité avec son territoire, et la forme na-