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reconstitutions. Ce qui est plus fâcheux, c’est qu’ils ne succombent pas sous un vote hostile ; ils se retirent ordinairement lorsqu’ils disposent encore d’une majorité suffisante. Presque jamais à l’étranger on ne se rend compte de ce qui produit une crise ministérielle en Italie, et dans le pays même on vous en donnera dix raisons différentes. C’est qu’elle provient de quelque froissement ou de susceptibilités entre les personnes, de quelque intrigue secrète, de certaines exigences de position que l’on n’a pu satisfaire, enfin de mille petites causes tout à fait en dehors du choc ou de la force relative des opinions au sein du parlement. Il est donc très difficile de les analyser, de les avouer ou même de les deviner toutes. En Espagne et en Portugal, un phénomène semblable se présente. Les vicissitudes ministérielles y sont aussi difficiles à comprendre qu’en Italie.

En Angleterre, aux États-Unis, il en est autrement. Deux opinions rivales se disputent la prépondérance. Elles commencent d’abord par élaborer leur programme. En Amérique, cette opération préliminaire est presque la plus importante. Chaque parti nomme ce que l’on appelle une convention, c’est-à-dire des délégués qui, réunis en assemblée, délibèrent, et après de vives discussions arrêtent la platform, c’est-à-dire les principes que le parti adopte comme siens. En Belgique, le parti libéral avait également nommé un congrès en 1846 pour arrêter sa platform ; puis arrive le choix des candidats, le cauvassing, la chasse aux voix des électeurs, enfin l’élection. En Angleterre, où fonctionne le vrai type du gouvernement parlementaire, le résultat de l’élection détermine la majorité, et la majorité porte au pouvoir les hommes qui représentent le mieux le programme qui a prévalu. Aussi longtemps que la majorité ne se modifie pas, on peut dire quels sont les hommes qui resteront au pouvoir, et quel est le programme qui sera mis à exécution. Un parti n’arrive au ministère que par la majorité, et il n’en sort que lorsque la majorité l’abandonne. Un gouvernement de parti et de majorité est le seul qui donne au régime parlementaire force et efficacité.

En Italie, les choses vont tout différemment. D’abord les électeurs sont en général étrangers aux luttes politiques. Le nombre de ceux qui ont le droit de voter n’est pas grand ; il ne s’élève qu’à environ 500,000 sur une population de 26 millions d’habitans, et, comme tout au plus la moitié des électeurs votent, il s’ensuit que la proportion de ceux qui prennent une part active à la vie politique ne monte pas à 1 pour 100 de la population totale. Il semble que la bourgeoisie italienne est encore trop absorbée par ses intérêts privés ou par les affaires locales pour comprendre que son sort et l’avenir du pays dépendent de sa participation aux luttes électorales. Même indifférence de la part de ceux qui peuvent aspirer à l’honneur d’être