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passer avec les autres manuscrits des Petau dans la collection de la reine Christine, et puis au Vatican. Il est presque certain en effet que la copie dont se servit Bongars est celle qui est indiquée dans un vieux catalogue des manuscrits d’Alexandre Petau, reproduit par Montfaucon en ces termes : Ad regem Angliæ de disponendis pro recuperatione terræ sanctæ. Bongars se plaint de l’incorrection du texte, et déclare qu’il n’a pas osé prendre sur lui de le corriger. Il serait utile de collationner le manuscrit du Vatican pour obtenir une lecture meilleure de cet ouvrage important.

M. Boutaric reconnut le premier que le De recuperatione terræ sanctæ est sûrement l’œuvre de Pierre Du Bois. L’auteur y cite sa réponse à la bulle Scire te volumus et son traité De abbreviatione guerrarum et litium. Les idées de ce dernier traité y sont presque toutes reproduites. Le De recuperatione est le plus considérable des écrits de Pierre Du Bois, celui qui donne la clef de tous les autres ; c’est aussi un des écrits les plus intéressans du XIVe siècle. La date de la composition de cet ouvrage est fixée avec assez de précision. En effet, d’une part il est dédié à Édouard Ier, qui mourut le 7 juillet 1307 ; de l’autre il fut rédigé sous le pontificat de Clément V, élu le 5 juin 1305. Il a donc été composé dans l’intervalle de ces deux dates, probablement en 1306.

Le roi Édouard, ce grand législateur, après avoir heureusement terminé ses guerres, songe maintenant à reconquérir la terre-sainte : voilà pourquoi l’auteur, obéissant à un mouvement naturel, sans qu’aucun salaire ait été demandé ni offert, se propose de dire rapidement ce qui lui paraît utile et nécessaire pour atteindre ce but. Avant tout, il faut s’assurer le concours du pape et l’assentiment d’un concile général où devront siéger tous les princes et tous les prélats catholiques. Cette terre qui, d’après le témoignage du Sauveur, est la meilleure de toutes, la voici maintenant peuplée de Sarrasins, qui l’ont envahie parce que les pays et les royaumes voisins ne leur suffisaient plus. C’est de ces contrées, d’où ils sont sortis, que leur vient le secours ; c’est de là qu’après le départ des croisés ils reviendront plus forts, plus indomptables, pour égorger ceux qui auront survécu à l’expédition, et cela sans doute à l’instigation des démons, qui habitent en Palestine plus volontiers qu’ailleurs, comme on le voit dans l’Évangile, Marc, v, 9.

Mais tout d’abord il faut que les princes catholiques n’aient aucune guerre entre eux. Supposons ces princes apprenant en Palestine que leurs états sont attaqués, ils feront ce qu’ils ont fait si souvent, ils abandonneront l’héritage du Seigneur pour revenir défendre le leur. Les Allemands et les Espagnols, quoique très belliqueux, ont depuis longtemps cessé de secourir la terre-sainte à cause des guerres qui déchirent ordinairement leur pays. C’est Satan qui