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France. Quant à l’Austrasie, il n’y songeait pas, il n’y avait jamais songé. Il mourut d’ailleurs prématurément à trente-trois ans, le 9 septembre 954. Cette fois encore Hugues le Grand ne jugea pas le moment venu de prendre le trône ; il préféra y laisser monter un enfant, le fils aîné de Louis IV, Lothaire. Qu’importait désormais un roi de Laon ou de Reims à ce vassal tout-puissant qui régnait à Paris, qui venait de joindre la Bourgogne à son duché de France, et qui s’apprêtait en outre, avec l’appui même de Lothaire, à mettre la main sur l’Aquitaine ? Déjà en effet il venait d’infliger une grave défaite aux Aquitains, lorsqu’il tomba malade, et mourut brusquement le 16 juin 956.


II.

La mort de Hugues le Grand amenait forcément une trêve entre la maison de France et la dynastie carlovingienne. Le fils aîné de Hugues, qui fut plus tard Hugues Capet, n’avait alors que six ans, et Lothaire n’en avait que seize ; ils étaient cousins par leurs mères, Gerbert et Hedwige. Hugues commença par rendre hommage à Lothaire, qui le reconnut comme duc de France, et confirma la Bourgogne à Othon, le second fils du défunt comte de Paris. Le nouveau roi n’était pas à beaucoup près un homme ordinaire ; il avait de la vigilance, de l’activité, et, à l’exemple de son père, il brûlait du désir de se constituer un domaine royal en rapport avec son titre. C’était justement l’époque où le fils de Henri l’Oiseleur, Othon le Grand, était en train de bâtir laborieusement l’édifice de l’empire d’Allemagne. Othon avait su d’abord établir sa suzeraineté effective sur tous les grands vassaux de Saxe, de Franconie, de Souabe, de Bavière et même de Lorraine ; puis il avait rejeté les Slaves jusqu’à l’Oder et les Danois jusqu’au fond du Jutland. Il avait aussi refoulé les Hongrois et gagné l’amitié des Polonais. Enfin il avait créé pour la première fois une sorte d’unité germanique, qui ne pouvait avoir, il est vrai, qu’une existence éphémère. Ce fut encore lui qui, à la suite de sa grande victoire de 955 sur les Hongrois, fonda vers les frontières de l’antique Pannonie cette fameuse marche d’Autriche (Oesterreich, empire de l’est) qui devait jouer un si grand rôle dans l’histoire de l’Europe moderne. Ce n’est pas tout : quelques années plus tard, appelé par le pape en Italie, il se faisait sacrer solennellement empereur d’Occident (962). C’était presque une résurrection de la puissance de Charlemagne. Cette grandeur toutefois n’était pas solide : la papauté, devenue, ainsi qu’il arrive souvent, l’esclave de son protecteur, n’obéissait qu’à regret ; l’Italie était enchaînée, mais non soumise. A partir de ce moment, la pé-