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effectif, pense le tenir entravé ; il déclare qu’il veut « être roi dans son royaume comme Hugues est comte à Paris. » La situation était grave ; c’était la question dynastique qui se posait résolument entre la maison austrasienne et la maison de France. Dans ce duel, qui devait durer un demi-siècle encore, l’une avait alors pour elle, en dépit des fautes et des faiblesses de ses derniers princes, les souvenirs populaires, la légende carlovingienne, l’appui de l’église et le prestige personnel d’un jeune monarque doué d’une beauté virile et d’un généreux courage ; l’autre était défendue par la ligue des féodaux, la consistance territoriale du fief principal de Paris, la profonde habileté de Hugues. En face du danger, le premier acte de Hugues fut d’épouser la sœur du roi de Germanie, Othon le Grand, et de solliciter l’intervention de ce prince dans la querelle. Une cause puissante rendait tout d’abord l’alliance assurée, c’était la question austrasienne. L’Austrasie était restée l’éternelle pomme de discorde entre l’Allemagne et la France ; cet ancien rameau détaché de la Gaule franque n’avait pas cessé d’être français d’idées et de sympathies. Les combinaisons factices de la politique et la force arbitraire des traités l’enchaînaient à l’est ; mais les lois naturelles de la géographie et de la tradition le ramenaient toujours vers l’ouest. Aussi la population austrasienne avait-elle constamment soutenu la cause de cette dynastie carlovingienne, demeurée tant bien que mal debout en France, tandis qu’elle s’était éteinte en Allemagne. A ses yeux, les Carlovingiens représentaient la force efficace qui pouvait un jour ou l’autre affranchir le pays rhénan de l’illégitime suzeraineté germanique. L’Austrasie n’était-elle pas l’antique berceau des Carlovingiens ? C’était, on l’a vu, la Lorraine qui avait été le suprême appui de Charles le-Simple, c’était elle encore qui avait salué avec le plus de sincérité l’avènement de Louis d’Outre-mer. Dès ses premiers pas sur le continent, celui-ci avait reçu l’appel et l’hommage des seigneurs austrasiens, qui plus que jamais repoussaient comme une tutelle étrangère la domination, nominale ou réelle, des rois de Germanie. Othon le Grand, furieux, avait fondu sur le pays, l’avait dévasté et en avait emporté tous les troupeaux et toutes les richesses au-delà du Rhin. La revanche fut prompte. A peine l’envahisseur s’était-il retiré que les Austrasiens passèrent le fleuve à leur tour. Ce fut une véritable levée en masse volontaire ; il ne resta sur la rive gauche, dit un historien du temps, « que les vieillards qui avaient déjà bien mérité de la patrie. » Des amas de ruines jonchèrent le sol germanique. Par malheur, comme les Austrasiens s’en allaient avec leur butin, l’armée d’Othon survint tout à coup et les écrasa dans une effroyable mêlée ; le duc de Lorraine, Gislebert, périt dans les eaux du Rhin (939). Certes tant