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Angleterre, dans ce pays aristocratique et de grosses fortunes, où il existe une taxe sur les domestiques, les chevaux de luxe, la poudre, les armoiries, cette taxe ne rapporte guère que 15 millions de francs. Aussi beaucoup d’économistes, au-delà du détroit, en demandent-ils la suppression. En France, un impôt de cette nature ne donnerait pas la moitié, et quant à l’income-tax, avec l’immunité accordée aux revenus inférieurs à 1,200 francs, il ne rapporterait pas, sur le pied de 3 pour 100, ce qui est déjà lourd, plus de 120 millions.

D’après la statistique de France publiée en 1862 par les soins de M. Legoyt, sous les ordres du ministre de l’agriculture et du commerce, la contribution foncière était portée au budget de 1858 pour 278 millions, principal et centimes additionnels compris. Si l’on décompose ce chiffre, on trouve que 202 millions ont été payés par des cotes inférieures à 160 francs ; or 160 francs de contributions, avec la moyenne actuelle de l’impôt foncier, qui est à peu près le huitième du revenu, représentent environ 1,200 francs de rente. Par conséquent, en plaçant la limite d’exemption à 1,200 francs, on met les trois quarts du revenu de la propriété foncière en dehors de l’impôt, et si ce revenu est, comme l’on suppose, de 3 milliards, 750 millions seulement se trouvent atteints. Voilà pour une partie de la fortune publique, celle qu’il est le plus facile d’apprécier. Il n’est pas aussi aisé de se rendre compte du revenu mobilier ; on n’a pas de données, même approximatives, pour le calculer. On peut dire seulement sans craindre de trop se tromper qu’avec la diffusion actuelle des valeurs, sous forme de rentes, actions ou obligations, il est au moins aussi divisé que le revenu immobilier ; le quart au plus serait également soumis à l’impôt. Restent les traitemens, les salaires et les bénéfices industriels, car il faut comprendre tout. Ici la division est plus grande encore ; les salaires et les traitemens qui dépassent 1,200 francs sont presque à l’état d’exception, et quant aux profits industriels, outre qu’ils sont éparpillés en des milliers de mains, ils donnent lieu à une fraude considérable. Admettons pourtant que le quart du revenu général de la société soit frappé par l’impôt. Si ce revenu est de 15 milliards, et on peut l’évaluer à ce chiffre en prenant pour basé le produit ordinaire des contributions en général, qui figure pour 1850 millions au budget de 1871, centimes additionnels compris, et en le multipliant par 8, comme pour la taxe foncière, on a pour le quart 3 milliards 750 millions, ou 4 milliards, qui, à raison de 3 pour 100, donnent 120 millions : — 120 millions, tel est le maximum de ce que l’on peut attendre en France de l’impôt sur le revenu, même établi sur le pied de 3 pour 100. Abaissera-t-on la limite d’exemption au-dessous de 1,200 fr. ? La fera-t-on descendre jusqu’à 600 francs par exemple ? Alors en effet on obtiendrait davantage ; mais ce ne serait plus une taxe