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voies de communication pour transporter leurs denrées, toutes choses dont la création repose sur les valeurs mobilières ; ils y trouveront plus de profit qu’en payant 1 ou 2 francs de moins par famille pour l’impôt foncier.


V.

Il n’y a de logique, en fait d’addition aux impôts directs actuels, que l’impôt général sur le revenu. Cette proposition se comprend mieux que les précédentes ; elle ne blesse pas autant l’équité et la justice. L’impôt sur le revenu d’ailleurs existe déjà dans différens pays, dans de grands états qui tiennent à honneur de pratiquer les saines maximes de l’économie financière ; il n’a par conséquent rien qui puisse effrayer les esprits, et il est dans tous les cas beaucoup plus rationnel qu’un autre impôt qui est aussi proposé par quelques personnes, l’impôt sur le capital. Outre que celui-ci porte la plus grave atteinte à la richesse publique, puisque le capital est le principal aliment de l’activité sociale, il présente encore les plus grandes difficultés dans l’application. Imposera-t-on tous les capitaux, ceux qui sont oisifs comme ceux qui sont actifs et servent à la reproduction de la richesse ? Il faudrait même imposer les premiers de préférence aux autres, à moins de donner une prime à la fortune qui ne s’emploie pas : on détruit alors les musées, tous les objets d’art qui n’ont pas d’utilité pratique. Peu de gens, pour conserver les choses de luxe, voudront se soumettre à une taxe proportionnelle à la valeur. En un mot, on prive une nation de tout ce qui fait son orgueil et sa gloire ; on la décapite en quelque sorte pour la rabaisser au niveau d’une société qui ne connaît plus que l’utile. Il faudrait encore saisir le capital immatériel, qui est dans la tête du savant, de l’avocat, du médecin,- car enfin il constitue également un capital, et ce n’est pas le moindre dont profite le pays. Comment l’évaluer ? Le calcul ne serait pas facile, et si, pour échapper à ces difficultés, on ne faisait peser l’impôt que sur les signes extérieurs de la richesse, on commettrait la plus grande des injustices. Un médecin qui gagne 20,000 francs par an doit être imposé de préférence à celui dont le capital mobilier ne rapportera pas même 1,000 francs.

Sous ce rapport, l’impôt du revenu est beaucoup plus rationnel, puisqu’il atteint le médecin, l’avocat, comme les autres, et qu’il est établi sur la production annuelle de la société ; mais il a aussi ses inconvéniens. D’abord il est considéré comme un impôt de luxe, qui ne doit atteindre que le superflu. On admet des exemptions. En Prusse, il n’y a de soumis à cet impôt que les revenus supérieurs à 1,000 thalers, soit 3,750 fr. En Angleterre, la limite de