Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/648

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nomique, toute surtaxe de l’impôt direct, notamment en ce qui concerne l’impôt foncier, a de graves inconvéniens ; elle change la valeur de la propriété, elle frappe ceux qui possèdent aujourd’hui, les prive d’une partie de leur revenu, de leur capital même, sans atteindre ceux qui posséderont demain, car ils auront acheté en conséquence de l’aggravation. Ils n’auront donc rien à supporter : ce sera comme une confiscation partielle, opérée jusqu’à concurrence de l’impôt, au préjudice des propriétaires actuels seuls. — Une dernière considération enfin qui doit éloigner toute idée de surtaxe de l’impôt direct, et celle-là est décisive, c’est que ceux qui le paient vont être appelés à prendre leur part de la taxe sur le revenu, si on arrive à l’établir. Ce serait les charger deux fois, sous deux formes différentes et très sensibles l’une et l’autre.

Mais, si on est d’avis d’épargner les quatre contributions directes, de ne leur rien demander de plus que ce qu’elles paient aujourd’hui, on voudra tout au moins atteindre davantage la fortune mobilière. Avant les malheurs qui viennent de nous frapper, on trouvait déjà que cette fortune n’était pas suffisamment taxée, et qu’il serait juste de l’imposer un peu plus pour établir une espèce d’égalité entre les charges qu’elle supporte et celles qui incombent à la propriété immobilière. Bien des projets avaient été présentés dans ce sens. Les uns conseillaient d’aggraver purement et simplement les droits qui existent sur les valeurs par actions et obligations, de saisir la richesse sous sa manifestation la plus apparente, et d’étendre la même surtaxe aux emprunts étrangers qui viendraient se négocier à Paris. D’autres généralisaient davantage, et voulaient établir un impôt sur toutes les valeurs mobilières, en exceptant seulement celles qui ont rapport aux profits industriels et aux engagemens de l’agriculture. Les premières avaient l’inconvénient d’aborder la question par le plus petit côté, le plus défavorable. En effet, pourquoi choisir de préférence les valeurs par actions et obligations pour les soumettre à une surtaxe ? S’il y a une forme de la richesse qui mérite d’être épargnée, c’est précisément celle-là ; elle dérive du principe le plus fécond qu’il y ait pour le développement de la prospérité, celui de l’association. De plus c’est par elle que la propriété est le plus accessible aux classes pauvres. Tout le monde peut posséder une action ou une obligation d’une entreprise industrielle ; on n’acquiert pas avec la même facilité ou une maison, une pièce de terre, ou une part sérieuse dans un établissement de commerce. Par conséquent, établir une contribution sur les valeurs mobilières par actions plutôt que sur les autres, c’est tout simplement en faire peser particulièrement la charge sur les gens les moins riches ; les petits porteurs de ces sortes de titres seront toujours