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Gaulois occupe lui-même dans ce qu’il écrit. Anacharsis fait partie intégrante du livre de l’abbé Barthélémy : ses descriptions ont commencé par être des impressions personnelles ; et sont devenues, avant de passer dans sa correspondance, des jugemens moraux, philosophiques, politiques. Les chapitres d’Anacharsis pourraient fournir toute une histoire politique et littéraire de la Grèce, animée de certains sentimens particuliers du Scythe voyageur. Ce n’est pas tout. L’abbé Barthélémy a caché sous des pseudonymes des personnes auxquelles il était uni par des liens de reconnaissance ou d’amitié : sous un voile transparent, il est aisé de reconnaître le duc et la duchesse de Choiseul, d’autres amis de l’ingénieux et savant abbé. En un mot, le Voyage d’Anacharsis est tout à fait un roman avec un très fort mélange d’histoire, de philosophie, de littérature. Rome au siècle d’Auguste est un recueil raisonné et méthodique des antiquités romaines avec un plan qui affiche aussi peu que possible la prétention d’être romanesque. C’est un éloge du goût de M. Dezobry, car il a bien vu qu’il s’agissait de tout autre chose que de lutter d’imagination avec l’écrivain dont il empruntait le cadre. Il a tout uniment fait un livre excellent pour la jeunesse des collèges. C’est là qu’est son public toujours renouvelé, un public auquel il faut avant tout être utile, et qu’il suffit de ne pas rebuter dès l’abord pour le retenir.

Une autre différence entre l’ouvrage de M. Dezobry et celui qu’il a pris pour modèle, c’est que Rome au siècle d’Auguste est un répertoire de documens archéologiques sus la ville éternelle. Les quatre-vingt-quinze lettres du Gaulois Camulogène sont une description maternelle, minutieuse, de tout ce qui composait Rome, des hommes et des choses, des classes, des conditions, des métiers, des magistratures, des édifices, des maisons principales, des jardins, des théâtres, des lieux de réunion de toute sorte. Ce qui se trouve dispersé dans une quantité de livres que les savans seuls connaissent ou qu’ils peuvent aborder, M. Dezobry l’a réuni dans ce vaste abrégé. C’est le caractère de ses travaux. Ses Dictionnaires de lettres et d’arts et de Biographie et d’histoire sont des recueils de même nature, et l’on sait quelles proportions ils ont atteintes : point de travaux qui soient capables de le faire reculer. Si la vie d’un homme y pouvait suffire, il ferait tenir dans ses immenses abrégés l’Europe et le monde entier. Il y a certainement pour de tels livres de nombreux lecteurs, même en dehors des écoliers, qui ne peuvent avoir de bibliothèques, et nous voyons là un signe de notre temps, un caractère des études courantes, hâtives, de notre siècle. Pour ne pas sortir du cercle des antiquités de Rome, nous ne voyons pas ce qui peut être demandé, recherché ou connu sur ce sujet, qui ne soit en raccourci, quelque part, dans un coin de la correspondance du Camulogène de M. Dezobry. Voulez-vous savoir la forme, l’étendue, le contenu, l’aspect du forum romain ? Onze pages du studieux Gaulois sur ce sujet pourront vous satis-