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pas été déjà presque réunie à Versailles, avec M. Thiers à côté d’elle, pour présenter à la France un gouvernement central et légitime, Paris pouvait encore voir s’accomplir dans ses murs une de ces révolutions qu’il ne veut qu’à moitié (et celle-là, il ne l’aurait pas voulue du tout). Cette révolution usurpatrice, profitant de l’habitude que Paris a d’être le grand centre qui attire et maîtrise tout, cette révolution aurait pu encore une fois s’étendre à toute la France par imitation, comprimant Paris par la terreur, et à l’aide de Paris comprimant la France.

La présence de l’assemblée nationale à Versailles et du gouvernement qu’elle a créé a empêché que l’insurrection criminelle du 18 mars ne devînt, par le contre-coup habituel des insurrections parisiennes, une révolution générale, et que la France, faute de centre, ne se laissât encore une fois révolutionner sans le vouloir. Le centre légal créé par les élections du 8 février et établi à Versailles n’a pas permis cette fois à la partie de se substituer au tout. C’est la première résistance légale qui ait réussi dans notre pays, contre les révolutions et les coups d’état.

Ne pouvant pas, grâce à l’obstacle de l’assemblée nationale de Versailles, prendre un caractère central et national, l’insurrection parisienne a été forcée de prendre un caractère communal, c’est-à-dire local. Nous ne voulons pas examiner si cette idée est un mensonge, un prétexte ou une vérité. Nous sommes disposés à croire que les meneurs de l’insurrection, en voulant, disent-ils, créer une commune dans l’Hôtel de Ville de Paris, veulent et croient créer une souveraineté nationale, et du sein de Paris tyrannisé gouverner la France entière ; tout est possible avec de pareils esprits. Le vrai et le faux les trompent également. L’histoire, qu’ils ne connaissent que par la déclamation, les fascine et les égare ; ils croient que les générations se répètent et se copient, et qu’il suffit d’être un plagiaire plus ou moins fanatique pour être un grand politique. Grave erreur ; mais peu importe pour le moment que les meneurs parisiens se soient laissé tromper par un mirage historique, ou qu’ils veuillent sincèrement établir à Paris des institutions municipales. Si nous ne nous trompons point, les événemens sont en train de les prendre au mot, et de concentrer la révolution parisienne dans son caractère municipal et local. Gardons-nous de rien faire qui le lui ôte, gardons-nous de vouloir faire de la commune de Paris une commune qui soit plus ou moins que les autres, sous prétexte que Paris, étant le siège du gouvernement, ne ressemble pas aux autres villes, de France. C’est cette idée qui a tout brouillé et confondu. On a cru que Paris devait être d’autant moins communal qu’il était plus gouvernemental. On lui a ôté du côté de la liberté tout ce qu’on lui donnait du côté de la souveraineté. Personne n’osait faire de Paris une vraie commune, une commune naturelle, parce que personne ne croyait que Paris pût jamais, cesser d’être le siège dit gouvernement. Ce que personne n’aurait peut-