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l’autorisation, si des trains doivent traverser des herbages où pâturent des bestiaux. Cependant il est plus prudent d’abattre les animaux sur place et d’exporter la viande. C’est même de rigueur quand les animaux sont atteints, la maladie serait-elle à son début ; en les faisant voyager, on ne serait jamais sûr qu’ils arriveraient en vie à leur destination. Ce moyen est encore le seul praticable, s’il y a de grandes distances à parcourir, si les étables infectées sont éloignées des chemins de fer, si, pour arriver au lieu de consommation, il faut traverser des contrées indemnes et riches en bétail. Il y a aujourd’hui dans tous les bourgs et dans beaucoup de villages des hommes sachant préparer les bêtes de boucherie. D’ailleurs la peste bovine se montre rarement dans une seule ferme, et plusieurs cultivateurs pourraient presque toujours s’entendre entre eux pour l’abatage des animaux, le transport et la vente de la viande, pour l’emploi des abats et pour la désinfection des lieux, des abreuvoirs, des marchés, etc. Aussi y a-t-il bien peu de circonstances, au point de vue de l’intérêt général et même de l’intérêt des propriétaires, où il ne soit pas avantageux d’abattre pendant l’existence de la peste bovine les animaux malades et même les animaux simplement suspects. Au produit qui résulte de la vente de la viande, s’ajoute la valeur des débris. Les cuirs, qui dans le siècle dernier étaient perdus, peuvent être et sont utilisés. La science, l’industrie, connaissent des moyens, ont des procédés de désinfection qui étaient ignorés en 1774.

Quelques circonstances malheureuses ont fait faire sur la consommation de la viande des bestiaux affectés ou même morts de la peste bovine des expériences qu’on n’aurait jamais osé tenter volontairement. Ainsi, pendant le siège de Strasbourg en 1815, la population de cette ville a été obligée de se nourrir de viande pareille ; elle n’en a pas été incommodée. Il a été fait aussi une grande consommation de viande d’animaux pestiférés en 1865-66 en Hollande et en Angleterre. Dans cette occasion, c’était bien volontairement. C’est dans un des wagons qui servaient au transport de cette viande des comtés à Londres qu’avaient contracté l’épizootie, ainsi que les recherches précises de M. Bouley l’ont constaté, les deux gazelles qui l’ont introduite à Paris, au Jardin d’acclimatation du bois de Boulogne. Nous avons donc pu apprendre par des observations faites en grand que la viande des bœufs et des vaches malades de la peste bovine ne possède aucune propriété malfaisante. Au début de la maladie, elle ressemble à celle des animaux sains ; on ne pourrait la distinguer ni à l’aspect, ni au goût. On doit, autant que possible, abattre les animaux aussitôt qu’ils présentent les premiers signes du mal, ou même avant qu’il se déclare, s’ils sont suspects. Si on attend que le mal ait fait des progrès, la viande devient em-