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en Suisse, mirent le plus grand dévoûment à la combattre. Elle fit éprouver des pertes énormes aux cultivateurs du midi de la France ; peu de contrées en ont plus souffert, ce qui s’explique par le nombre considérable de bêtes à cornes qu’on y entretient. Elle devenait cependant de moins en moins meurtrière ; après quelques mois d’existence dans un pays, elle n’enlevait que la moitié des malades, puis le tiers et enfin le quart. Vicq-d’Azyr fit deux voyages dans le midi pour l’étudier, en 1774 et en 1775. À son dernier voyage, il trouva que la maladie, partout où elle avait vieilli, « avait beaucoup perdu de sa férocité. » La marche en était moins rapide, les symptômes en étaient moins effrayans et les victimes moins nombreuses. Dans ces circonstances, le gouvernement ordonna la publication des Recherches historiques et physiques sur les maladies épizootiques de Paulet, ouvrage fort remarquable et fort utile par sa consciencieuse érudition.

Vicq-d’Azyr publia plusieurs instructions relatives au traitement curatif et préservatif de la maladie, à l’emploi des mesures administratives, à la police sanitaire. Après de grandes recherches et de nombreuses expériences sur le traitement, il reconnut que l’abatage est le seul moyen d’anéantir le mal ; mais, à cause de l’extension qu’avait acquise le fléau, du nombre considérable d’animaux atteints, cette mesure offrait les plus grandes difficultés. Plusieurs arrêts furent publiés, les uns prescrivant l’abatage des animaux malades, d’autres accordant des gratifications à ceux qui introduisaient des chevaux et des mulets dans les pays ravagés par l’épizootie.

Mais de toutes les pièces publiées à cette occasion, aucune ne mérite plus d’être conservée, ainsi que le dit Vicq-d’Azyr lui-même, que là lettre pastorale de M. de Brienne, archevêque de Toulouse. Après avoir recommandé l’emploi des mesures prescrites par les autorités et avoir engagé les curés à user de leur influence pour les faire soigneusement pratiquer, le digne prélat ajoute : « en excitant vos paroissiens à obtenir du ciel les salutaires effets de sa miséricorde, je ne doute pas que vous ne soyez attentifs à les éloigner de ces pratiques superstitieuses auxquelles le peuple, dans de semblables occasions, n’est que trop porté à avoir recours. Quelques-uns, pour obtenir une bénédiction qu’ils ne craignent pas souvent de confondre avec des remèdes humains, exposeraient, par des sorties indiscrètes ou par la seule réunion, leurs bestiaux à la contagion ; d’autres, contens de l’avoir, négligeraient tous les préservatifs qui leur sont offerts et manqueraient ainsi à la Providence, qui n’aide l’homme qu’autant qu’il s’aide lui-même par son travail et par son industrie ; il faudrait à d’autres des processions, des pèlerinages